Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2024 du Festival de Cannes, en partenariat avec Métal Hurlant. Et c’est l’heure de revenir sur Francis Ford Coppola, présenté en compétition.
Métal Hurlant nous accompagne à Cannes cette année, dans notre exploration des sélections hétéroclites du festival. Au travers de récits de bande dessinée et d’articles sur l’actualité culturelle, Métal Hurlant développe avec éclectisme, dans quatre numéros par an, un imaginaire sans aucune limite. Une ligne éditoriale totalement en accord avec la soif d’expérimentations et de découvertes du Festival de Cannes.
Sans contestation possible, Megalopolis était le film le plus attendu de ce Cannes 2024. Après avoir pensé son film pendant près de 40 ans et définitivement lancé le projet il y a une vingtaine d’années, Francis Ford Coppola a dû financer son fantasme lui-même face aux réserves des studios hollywoodiens. Rien qui ne l’a empêché de s’octroyer les services d’un casting cinq étoiles dont Shia LaBeouf.
Vlogs #cannes2024 ⬇️@A_Janowiak revient sur le tant attendu #Megalopolis de Francis Ford Coppola… et sur sa déception.
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— Ecran Large (@EcranLarge) May 17, 2024
APOCALYPSE CHAOS
De quoi ça parle ? La ville de New Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Ciceron. La fille du maire Julia, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et leurs visions de l’avenir.
C’était comment ? « Quand un Empire meurt-il ? S’effrondre-t-il en un instant tragique ? », s’interroge le narrateur de Megalopolis (incarné par Laurence Fishburne) dans les premières secondes de la bande-annonce du film. Une réflexion qui fait étrangement écho à ce retour de Coppola à la réalisation, douze ans après son mal-aimé Twixt, tant ce film fantasme semble symboliser également la fin de son ère (et pas de la meilleure des manières).
Dès son panneau d’ouverture, l’intention de Megalopolis est limpide : ce sera une fable où les États-Unis sont un Empire romain moderne, avec pour capitale sa New Rome aux allures new-yorkaises. Avec ce point de départ, et outre les noms des protagonistes d’une subtilité légendaire (César, Cicéron…), s’en suit donc indéniablement une intrigue assez classique de péplum et autres tragédies (grecques) avec des conflits politiques, des personnages avides de pouvoir, des règlements de compte familiaux, des histoires d’amour aussi (et de trahisons)…
Autant dire que sur le papier, il y avait tout pour faire un grand film tragique et épique mêlant l’opulence de l’époque romaine aux maux de notre société contemporaine, évoquant in fine les dérives médiatiques, technologiques, environnementales, économiques… sauf que ça ne marche pas un seul instant. Avec autant de sujets dans sa besace et au coeur d’un univers aussi éclaté (trop de personnages sans intérêt), Coppola ne parvient jamais à donner corps à un récit devenant de plus en plus incohérent, voire incompréhensible, au point de friser le nanar (on ne s’est pas encore remis de cette fausse érection dissimulant un arc de Robin des bois) où le péplum croise la science-fiction, le fantastique ou le musical.
Il faut dire que l‘ensemble est tristement plombé par des dialogues verbeux imbitables (surtout dans la première demi-heure désastreuse) ou franchement ridicules (un égocentrique Francis). La suite du film est parfois un peu plus engageante, notamment grâce à quelques instants suspendus (ce baiser hors du temps) et poétiques. Coppola plonge même tête la première dans son délire psychédélique, quitte à prendre des risques inattendus dont un happening sur scène complètement inutile pendant la projection (oui oui). Allez savoir comment cela sera reproduit dans les salles classiques… mais vous voyez l’ambition du bordel.
CRI DU COEUR
Alors bien sûr, impossible de ne pas prendre un peu de plaisir devant Megalopolis, en grande partie grâce aux idées formelles jalonnant le métrage. Francis Ford Coppola développe des images resplendissantes à maintes reprises : cette main nuage capturant la Lune ces statues géantes vivantes, les nombreuses transitions (lumières éblouissantes, mouvements de l’eau), superpositions d’images et magnifiques fondus nous transportant dans un dédale kaléidoscopique. C’est évidemment réjouissant vu la fadeur d’une bonne partie du spectre hollywoodien contemporain, mais c’est en même temps insuffisant pour sauver Megalopolis de son propre chaos.
D’autant plus que malgré son budget de 120 millions de dollars, la direction artistique est régulièrement affligeante : les costumes semblent sortis de la kermesse du coin, certains décors ressemblent à la pièce de théâtre en carton-pâte de votre gosse de CM2 (cette arène romaine), les VFX étaient vieillots avant même la première cannoise et les panneaux sont clairement indignes des premières versions de PowerPoint. On ne parlera d’ailleurs pas des acteurs qui font de leur mieux, mais semblent tous jouer dans un film différent (ce qu’on ne peut pas vraiment leur reprocher vu le bazar).
Bref, Megalopolis est un fiasco de première classe. À défaut d’en sortir ému par son histoire et son univers (ce qu’on aurait adoré), on en ressort assez bouleversé de voir un si grand cinéaste échouer avec autant de panache et d’espoir (Coppola est persuadé que c’est son meilleur film), après s’être si longtemps « battu pour ce qu’il aimait » comme le dit César. En vérité, si son héros tragique tente d’arrêter le temps, Megalopolis signe peut-être le moment opportun pour l’Empereur Coppola d’arrêter le cinéma.
Et ça sort quand ? Aucune date de sortie officielle en pour le moment, mais probablement pas avant septembre 2024, via le distributeur Le Pacte.
Cela donne envie de voir le film. Quelle idée merveilleuse de donner à un architecte le pouvoir de suspendre le temps ! Si vous allez devant le Louvre et que vous évacuez le bruit et les habitants du XXIeme siècle (concentrez vous!), vous allez vous retrouver propulsé au XVIIIeme siècle… Et si certains décors ont l’air en carton pâte, est ce que ce n’est pas voulu ( ce qui expliquerait les tensions en cours de tournage, les spécialistes des effets spéciaux étant habitués à imiter le réel de façon bluffante) pour opposer la vulgarité ambiante à la culture, pour montrer que ce qui compte dans les jeux de cirque, ce n’est pas le Coliseum, mais la barbarie de la violence offerte en spectacle entre ses murs ?
Adam « Ayrton Sena » Driver pourrait être aussi le petit frère caché de John Wick ! :-)))
Je vais le voir.
Bad boys uniquement pour 1000€ net d’impôts.
… ça peut aussi bien être un film formaté « Arty pour critiques qui aiment se la raconter, avec les sempiternelles couleurs gris et oranges, et des acteurs en roue libre ».
Il y en a eu beaucoup ces dernières années, voulant concurrencer les blockbusters sur leur terrain. Mais en général, ils sont bien trop longs – 3 heures en moyenne.
Celui-là dée les 2 heures, et c’est un petit détail qui peut le rendre un peu plus fréquentable.
Maintenant il faudrait d’abord penser à (re)voir « La Chute de l’Empire Romain » et surtout « Le Rebelle » de King Vidor et « Dark City »… Et constater si Coppola s’est mis dans les mêmes pas que ces films.
Quand on a donné sa chance 2 fois aux Rebel Moon de Snyder, on peut donner sa chance à tout (je viens de tenter de regarder le dernier ghostbuster (…au secours c’est nul) et au dernier Godzilla x Kong qui s’est Transformeriser (…secours c’est naze) donc le dernier Coppola pourquoi pas hahahahahahhahahahahha
Je n’aimerai peut-être pas mais je suis toujours intéressé. Tant de films de grands réalisateurs se sont heurtés à une totale incompréhension à leur sortie que je ne peux me contenter des critiques négatives pour un réalisateur comme Coppola.
Et puis, comme rappelait un autre commentaire, les sublimes ratages, plus intéressants que certains films plus communs, ça existe. 🙂
En dépit des critiques mitigées ce film m’intrigue, un genre de Hunger Games pour adulte . et puis quand on jette un oeil sur la filmographie de Coppola, on voit que ce-dernier a toujours eu un faible pour le grandiloquent (Twixt, Apocalypse Now , Dracula …) . Je ne sais pas si le métrage est bien mais il me branche légèrement plus que la majorité des films présentés en festival ces-dernières années . Et tant pis pour le kitsch, de toute façon j’ai un faible pour .
Mouais, je demande à voir. L’accueil critique d’Apocalypse Now avait été assez cinglant à l’époque et aujourd’hui il est devenu un totem du ciné américain. Je trouve réjouissant de voir du cinoche qui n’hésite pas à déborder voir se boursoufler. Tout, plutôt que la tiède bien-pensance actuelle avec son cinéma propret et consensuel. Merci pour cet apétit d’ogre mister Coppola !
@Eomerkor…je plussoie aussi mais à +999! 😉
@Eomerkor +1000 !