Son fils est mort, la guerre du Vietnam l’a traumatisé : Jacob Singer en a gros sur la patate. Alors qu’il fait tout pour retrouver un semblant de vie normale, son quotidien est progressivement envahi de souvenirs ultraviolents de la guerre, ainsi que de visions démoniques terrifiantes. Vulnérable et rongé par la paranoïa, Jacob tente de comprendre ce qui lui arrive, alors que l’univers bascule chaque instant un peu plus dans la folie. Ce point de départ qui annonçait un thriller psychologique somme toute classique va pourtant nous offrir une épopée ténébreuse inoubliable.
Ignoré à sa sortie et progressivement réhabilité, L'Échelle de Jacob est aujourd’hui un classique révéré des années 90. Mais comment cette inquiétante réussite a-t-elle pu er inaperçue, et pourquoi est-elle aujourd’hui considérée comme une œuvre matricielle, à laquelle bien d’autres ont fait référence par la suite ?
DU SNOBISME POUR JACOB
Chaque époque a ses modes, ses schémas de pensées, lesquels peuvent volontiers se transformer en raccourci. Quand sort L’Echelle de Jacob, en 1990, il est de bon ton, au moins au sein de la critique, de regarder avec une certaine défiance les réalisateurs issus du milieu de la publicité et/ou du clip vidéo. Perçus comme des techniciens très aiguisés techniquement, mais proposant un cinéma plus volontiers clinquant que signifiant, ils sont souvent regardés de haut.
Qu’importe que des entreprises telles que Propaganda Films aient permis d’éclore à des artistes tels que 9 Semaines 1/2, succès monstres, appréhendés comme de pures créations commerciales, aussi légères que divertissantes. Incarnation parfaite du grand vilain superficiel, le nouveau métrage de Lyne est l’objet d’un grand malentendu.
Collant aux basques d’un vétéran traumatisé par le Vietnam, la mort de son fils et en proie à des visions cauchemardesques, le film multiplie les expérimentations plastiques, les effets de montage complexes, tout en tordant en tous sens une somptueuse direction artistique. Des choix qui l’éloignent du tout-venant de la production horrifique grand public (alors particulièrement mollassonne), et vont le faire er pour un produit chichiteux, un peu creux, à l’esthétique post-moderne et toc.
Après des années de – grands – films sur le Vietnam, alors que son univers n’est pas foncièrement identifié, que le studio rechigne à vendre une production perçue comme trop sophistiquée pour son public, L’Echelle de Jacob ne peut obtenir les faveurs du public. Rassemblant 26 millions de dollars au box-office, pour un budget de 25 (hors promotion), le film est d’autant plus un échec que son auteur avait été jusque-là couronné de succès commerciaux. Il n’en bénéficiera pas moins auprès de ses rares spectateurs d’un spectaculaire bouche-à-oreille, lequel engendrera un succès souterrain, mais durable en vidéo.
Plus encore peut-être que ces visionnages différés, c’est la rapidité avec laquelle l’œuvre va inf dans la culture populaire, et se voir citer dans quantité d’autres créations en quelques années à peine, qui a fait sa consécration. Comme si, se rappelant soudain le sens de son titre, le long-métrage s’était soudain extrait des enfers de l’insuccès pour s’élever sur l’échelle de la consécration, nous crachant dessus au age quelques formidables cauchemars.
ÉPIDÉMIE STYLISTIQUE
Pour ceux qui posent les yeux sur le dédale suintant l’horreur imaginée par le scénariste Bruce Joel Rubbin et mise en image par Adrian Lyne, le film va servir d’inépuisable matière première. Là où la presse a d’abord vu un amoncellement creux de morceaux de bravoure, certains vont ressentir une volonté organique de plonger le public dans la psyché déliquescente d’un héros au bord du gouffre. Et c’est bien là le concept central de la création de Lyne : embrasser les textures, couleurs et sons urbains, pour les er à la moulinette d’un cerveau dément, qui va reconfigurer ce kaléidoscope familier pour aboutir à une représentation de l’enfer.
Cette équation, riche de tant d’images inoubliables, une saga va s’en emparer avec gourmandise : Silent Hill. Les trois premiers chapitres de la franchise qui forment un ensemble cohérent, et sont considérés par beaucoup de joueurs comme son cœur, ont tout simplement fait de l’esthétique du métrage leur bible plastique. Les références sont innombrables, allant de la citation d’un nom, d’un personnage, ou d’un lieu (l’abominable métro du 3e épisode), jusqu’à des greffes bien plus profondes.
De Silent Hill à Rihanna, comment L'Echelle de Jacob a popularisé un motif issu des photographies de Joel-Peter Witkin
Ce sont parfois des pans entiers du film qui s’épanouissent dans le jeu, lequel s’amuse à jouer sur les mêmes mutilations, ou distorsions des corps, quand il ne duplique pas la photographie de Jeffrey L. Kimball. Ainsi, on retrouve quantité de textures, aussi bien dans la cité croulante de Silent Hill que dans son alter ego infernal. Les jeux généreront une mythologie propre, totalement déconnectée du film, mais il n’y a quasiment pas un plan de L’Echelle de Jacob qui ne se voit redéployé dans la franchise vidéoludique.
Une logique qui comprend jusqu’aux designs de ses monstres, dont les jeux recyclent l’humanité contrariée. Métaphoriquement, mais aussi au premier degré, Adrian Lyne parle d’une humanité plongeant inexorablement vers les ténèbres. Pour l’illustrer, il submerge Tim Robbins dans un univers émaillé de créatures encore humanoïdes, que le spectateur identifie comme commune au premier coup d’oeil, avant que la mise au point ne lui en dévoile toute l’abomination.
Impossible de ne pas reconnaître une certaine ligne de métro
Cette relecture a-t-elle fait connaître la postérité au dédale abominable de Lyne ? Vendus à des dizaines de millions d’exemplaires, les chapitres de Silent Hill ont fasciné, mais aussi engendré des vocations d’exégètes, de nombreux joueurs désirant percer les secrets de ses symboles. En témoignent les nombreuses analyses de vidéastes, amateurs ou confirmés, qui ont consacré aux deux œuvres des analyses, souvent d’une belle profondeur, sur diverse plateforme de partage de vidéos au cours de ces dix dernières années.
Et s’il ne fallait piocher qu’un seul exemple pour établir combien l’horreur de L’Echelle de Jacob s’est répandue dans notre inconscient collectif, il suffira de jeter un œil à Disturbia, clip de David M. Rosenthal fut contrainte de n'en être qu'un pâle écho.
Quand tu as laissé le remake trop longtemps au soleil
LET’S TWIST AGAIN
Nombreuses sont les productions à avoir marqué les rétines, sans pour autant avoir atteint un statut culte, ou une forme de reconnaissance aussi unanime que celle qui entoure aujourd’hui L’Echelle de Jacob. Et s’il est logique que son identité visuelle soit l’élément le plus fréquemment mis en avant, tant il a marqué de cinéphages, ce qui permet au métrage d’impressionner encore aujourd’hui, c’est peut-être son scénario.
Alors que Jacob Singer (Tim Robbins) assiste, médusé, à la destruction inexorable du réel tandis que les souvenirs de la guerre du Vietnam se font de plus en plus insistants, le récit fait un choix particulièrement malin et tout à fait à rebours des standards du cinéma horrifique grand public. Malgré une structure qui appelait facilement à celle d’un twist épais, le spectateur comprend progressivement que ce qu’il regarde est faux par essence. Flashback et présent s’inversent petit à petit.
En lieu et place du choc d’une révélation brutale, quoique risquée, le film favorise l’émergence de la conscience au sein du public, avec un impact émotionnel dévastateur. Jacob Singer en devient encore plus humain, tandis que sa tragédie personnelle s’avère un piège redoutable tendu à son propre esprit. Coincé dans une toile complexe, que le spectateur appréhende bien avant lui, il devient instantanément une figure mythologique, vouée à être torturée sans fin. Victime d’une mythologie qui lui échappe, Jacob est tombé au champ d’honneur de l’Amérique, père aux ambitions fauchées, soldat maltraité et finalement corps étranger à un univers tout à fait hostile, nous assistons, impuissants et terrassés, à un supplice possiblement sans fin.
Cette figure, presque sacrificielle, résonne enfin avec le titre de l’œuvre, et questionne son sens. On le comprend rapidement, Jacob est coincé au purgatoire, une situation qui résonne avec “l’échelle de Jacob”, célèbre épisode de l’Ancien Testament, issue du Livre de la Genèse. Alors qu’il fuit son frère, Jacob a la vision d’une échelle menant jusqu’aux cieux, dont les anges montent et descendent simultanément. Cette vision aux interprétations multiples doit aussi nous interroger sur le sens du voyage du protagoniste.
Descend-il vers les enfers, ou remonte-t-il au contraire vers les cieux ? Bien malin qui pourra le dire. Et si le titre du film d’Adrian Lyne tout comme le scénario ne tranchent pas, c’est peut-être pour mieux nous offrir une conclusion terrible qui soulage et blesse dans un même mouvement. Si dans les derniers instants de l’intrigue, Jacob achève bien son voyage, nous ne saurons pas s’il a pris la forme d’une ascension vers un monde meilleur ou d’une chute inarrêtable vers les ténèbres.
Nimbé d’une aura de film maudit, fort d’une iconographie parmi les plus influentes de la fin du XXe siècle, qui aura essaimé sur de multiples médiums, L’Echelle de Jacob exerce encore une noire influence sur le cinéma, porté sans doute par son scénario aussi intelligent qu’ambigu.
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Vu au cinéma en 1991 , un choc ! J’ai mis un moment à retrouvé mes esprit au sortir du cinéma , mais attention, film dépressif , qui peut vous foutre un gros bourdon si vous êtes déjà en mode spleen , ça n’a rien à voir mais « la route » m’a fait le même effet , bref je suis pas spécialement fan d’Adrian Lyne, mais là le bonhomme s’est suré pour nous pondre un objet pareil , film horrifique a ambiance mélancolique et dépressive .C’est pour moi la bonne définition de ce long métrage très, très spécial.
Birdy de Alan Parker et la Bo de Peter Gabriel sortie en salle en 1985
A propos de BIirdy de Alan Parker avec Nicolas Cage et Mattiew Modine un chef-d’oeuvre histoire de deux potes après le Vietnam le personnage de Cage retrouve son pote Birdy dans un asile traumatisé par la guerre, le personnage de Cage relate l’enfance avec Birdy pour lui rappeler leur vie avant la guerre, je vous raconte pas la fin. Un film choc émouvant intense. je le conseil à ce qui l’on pas vu.
@Davmey
Échelles de jacob un navet !? Un film qui a marqué à la sortie en salle pas un succès, mais les visions de cauchemar du personnage interprètait par R
Tim Robbins avait fait son effet . Le film nous raconte comme Rambo comme Birdy le retour des soldats de la guerre du Vietnam qui avait traumatisé la jeunesse Américaine. Un film qui a marqué le Cinéma .
Un navet ridicule qui a totalement usurpé sa réputation de film culte
Et dire que je l’ai revu y a quelques années et que j’avais l’échelle de Jacobs comme tant d’autres de films en VHS. Le revoir en DVD (et d’autres) durant le confinement m’a fait du bien. Culte
J’ai vu ce film sur le tard, il y a quelques années alors que le Fossyeur de Films y avait consacré un épisode. Je n’ai pas été déçu du tout.
L’échelle de Jacob le retour du Vietnam décidément avait laisser des traces. Le role le plus marquant de Tim Robbins un film choc un cauchemar sur la folie de la guerre est les conséquences sur les soldats une descentes en enfer.
@Moijedis
Où ai-je indiqué que je n’avais rien compris ?
C’est justement parce que le film est trop explicite qu’il ne tient pas debout car à vouloir brouiller les pistes à tout prix il s’écroule sur lui-même
A zeta
Qu’est-ce que t’as pas compris ?
Le gars est au purgatoire durant tout le film et c’est tout y’a rien à comprendre .