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BoJack Horseman : le jeu de massacre de Netflix survit-il à sa saison 5 ?

Par Simon Riaux
17 septembre 2018
MAJ : 21 mai 2024

BoJack Horseman est une des plus indiscutables réussites de Netflix. Sa cinquième saison est-elle à la hauteur ?

BoJack Horseman : Photo

BoJack Horseman est une des plus indiscutables réussites de Netflix, qui s’est tout simplement imposée comme une des propositions animées les plus étonnantes et émouvantes de ces dernières années. Sa cinquième saison est-elle à la hauteur ?

Attention mini-spoilers !

 

 

RIRES ET DÉPENDANCES

Série névrotique, misanthrope et ablement désenchantée, BoJack Horseman est par définition un projet sur le fil. Traiter du quotidien d’un acteur semi-has been et parfaitement dépressif, rongé par l’addiction et l’apitoiement, c’est courir le risque de rapidement lasser un public rompu à la représentation des agapes hollywoodiennes, en menant un récit entre désespoir et comédie, qui prend sans cesse le risque de sombrer dans la dépression pure.

 

photoBoJack, précieux ridicule en lutte avec ses propres failles

 

Mais le showrunner de la série, BoJack Horseman joue une autre carte : celle de la mise en scène pure.

Plusieurs séries ou films live pourraient s’inspirer de l’art du découpage, de la science de la construction qui préside à cet épatant microcosme. On l’évoquait dans notre Fish Out of Water, la réflexion menée autour des arrières plans est une nouvelle fois une leçon de tempo, comme d’étrangeté. Mais c’est bien du côté des épisodes concept que la série marque une nouvelle fois énormément de points.

 

photoUne ampoule pas prête de s’allumer…

 

AVOINE FOR A DREAM

quasi-muet en chapitres à l’impact émotionnel dévastateur (Escape from L.A. dans la saison 2), qu’il maîtrisait le principe de l’épisode performatif, à même de marquer un jalon dans la narration, tout en flattant la rétine d’un spectateur en quête de mise en scène complexe. Cette saison 5 contient peut-être le plus grand nombre de segments ambitieux, et les réussit tous.

Un épisode abandonnant tous les personnages à la faveur d’un, plus secondaire, mais qui révèlera des failles bouleversantes, au gré d’une boucle temporelle implacable. Le récit imbriqué de quatre fêtes d’Halloween, à plusieurs années d’écart, dévoile l’étiolement moral de nos héros, tandis qu’un véritable cauchemar éveillé, empruntant simultanément à Perfect Blue, projette BoJack dans un enfer d’addiction médicamenteuse.

 

photoUn tournage… particulier

 

Autant d’expérimentations, autant de violentes réussites, mais toutes semblent ridicules à côté du tour de force de cette saison 5, un épisode où notre star sur l’éternel retour est littéralement seul en scène, à l’occasion d’une oraison funèbre incontrôlable. C’est ici l’art de Tchékov, notamment ses bouleversantes pièces en un acte, qui est convoqué. Le résultat est bouleversant de bout en bout, et permet de cre un peu plus l’abîme égotique dans laquelle se débat le personnage principal, tout en comprenant qui l’a creusée pour lui.

Réussir à transformer un plan quasi-fixe, centré sur le monologue à moitié délirant d’un personnage animé ablement antipathique en looping émotionnel épique et larmoyant est un tour de force qui risque de laisser bouche bée jusqu’aux fans hardcore de la série. La performance de Will Arnett à cette occasion est d’une puissance lumineuse.

 

photoTodd sera à l’origine d’une intrigue secondaire pénétrante

 

TOUS EN SELLE

Cette saison 5 est donc un nouveau bijou de mise en scène, dont les idées explosent littéralement à coup de métaphores ou images cristallines. Mais ce focus opéré n’enlève rien aux autres points forts du show. Les gags s’accumulent et s’enchaînent (notamment grâce à un robot sexuel à la répartie turgescente), tandis que BoJack Horseman continue de sortir de son chapeau des personnages secondaires invraisemblablement hilarants.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, le traitement radical de BoJack permet à l’ensemble de traiter avec intelligence et cruauté des conséquences de #MeToo. Acteur se valorisant en dénonçant des scènes de sexe supposément gratuites, analyse de l’hypocrisie d’un système se nourrissant de rédemptions artificielles, ou impossibilité pour une artiste de dénoncer de graves abus, pour ne pas colorer une carrière naissante : BoJack Horseman conjugue à la perfection sens du tragique, ironie venimeuse et prise avec le réel.

 

photoLes chevaux ont-ils 9 vies ?

 

Et si le scénario éreinte encore son anti-héros, il évite l’écueil de l’accumulation, préférant traiter les conséquences de ses fautes ées, plutôt que d’en faire un éternel aimant à catastrophe. Ainsi, BoJack entrevoit enfin l’opportunité d’une véritable évolution. Alors que le récit s’emballe et que notre cheval voit sa réalité s’écrouler, il est enfin mis au pied du mur.

Et alors que se profile le season finale, une évidence frappe le spectateur : BoJack est face à un choix qui engagera la série dans son ensemble, et devra la mener à sa conclusion. Une orientation nécessaire, difficile, et une nouvelle fois, prometteuse d’une fort joliment dépressive saison 6.

La saison 5 de BoJack Horseman est disponible sur Netflix depuis le 14 septembre 2018. L’intégralité de la série est aussi disponible sur Netflix.

 

Affiche saison 5

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jean-marc
jean-marc
il y a 6 années

Oui… grande série.
Au début j’ai eu peur de pas accrocher mais vu les critiques très positifs ça ét là, j’ai opté pour m’accrocher et je n’ai pas regretté.

Simon Riaux
Simon Riaux
il y a 6 années

@manaim

Hello,

L’idée n’est pas tant de dire que la vie de BoJack doit changer, mais que la série ne pourra éternellement traiter de la même boucle narrative, et qu’avec les éléments disposés à l’issue de cette saison, elle prépare la piste de lancement pour ce qui sera sa conclusion.

Manaim
Manaim
il y a 6 années

Super article , très percutant , plein de bon sens et on y retrouve une fine analyse de la série .
Toute fois je ne suis pas vraiment en accord avec la conclusion , je pense que l’enjeu même de la série est que le personnage principal est enfermé dans une boucle infernal , de fausse joie , de bonheur fade , et de grande désillusion et je pense pas que la fin de cette saison amorce foncièrement la fin de la série mais amorce simplement une nouvelle boucle , peut être encore plus profonde , tout en jouant encore sur une critique acerbe et fine de la société contemporaine tout en explorant toute les facettes d’un personnage complexe au travers d’un outil de naration ,que bob wakesberg ne cesse de travailler et de renouveler avec brio
Enfin voilà mon opinion sur la fin mais sinon merci a toi pour ton honnêteté et ta justesse d’analyse

Steven
Steven
il y a 6 années

Sur le FIL pas sur le film…

Bowl
Bowl
il y a 6 années

Super article. Cette série est vraiment folle.
Je trouve quand même que le perso manque un peu d’évolution.
Sur 5 saisons ça fait quand même beaucoup de dépression/autodestruction.
Mais ça ne m’a pas empêché de regarder la saison 5 d’une traite ! 🙂