Un nouveau manga fait son apparition en depuis deux semaines et il déchaine les ions. Il s'agit de Spy X Family, la nouvelle trouvaille de la Shueisha. Écrit et dessiné par Tatsuya Endo, ce petit bijou conjugue shonen, humour, espionnage et c'est déjà un succès au Japon. Coup de projecteur sur cette série peu commune.
Pré-publiée en bimensuel sur l'application Shueisha Manga+, Spy X Family est l'une des séries les plus lues sur la plateforme. Elle a même gagné le prix du meilleur web manga "Tsugi ni Kuru" en 2019, puis en 2020, le prix du meilleur manga "Kono Manga ga Sugoi ?!". En seulement 4 tomes publiés au Japon, sans avoir d'animé ni de produit dérivé, elle s'est écoulé à 4 millions d'exemplaires uniquement au Japon.
C'est dire l'étendue de son succès . D'abord par l'appli, ensuite avec la renommée en vente physique, en y ajoutant les critiques dithyrambiques, le phénomène Spy X Family ne fait que de commencer. Mais quels sont les éléments de ce succès ? On va essayer d'y répondre, mais pour nous la piste est déjà toute tracée.
Cette famille "bien" sous tout rapport
Une histoire loufoque
Le manga raconte l'histoire de Twilight, un espion reconnu dans son métier comme étant un des meilleurs et un des plus efficaces. Son don inné est d'être un maitre dans l'art du déguisement. Ces missions sont un succès et il n'hésite pas à accepter les missions les plus dangereuses. Il n'hésite pas à sacrifier sa vie personnelle pour son travail, car mine de rien, ses actions peuvent sauver le monde. C'est la guerre froide entre Westalis et Ostania, Twilight est donc détaché à Ostania pour se rapprocher et enquêter sur un politicien extrémiste de cette partie-là du monde : Donovan Desmond. L'opération Stryx est lancée.
Celle-ci a une particularité néanmoins cocasse, Twilight doit créer et fonder une famille avec enfant en une semaine pour tenter de faire rentrer sa progéniture dans la prestigieuse école Eden, là où le fils de Desmond étudie. Car Donovan Desmond ne se montre que dans les cercles et réunions de cette école. Il décide donc d'adopter une jeune fille appelée Anya, qui a le don de lire dans les pensées, mais qui le cache aux autres. Il fait aussi la rencontre, par hasard, de Yor, une jeune femme bien sous tout rapport qui officie secrètement comme tueuse à gages. Bien entendu, cette famille recomposée n'est absolument pas au courant des agissements de chacun ni de leurs particularités. C'est dans ce joyeux entre faits que l'histoire débute.
Une histoire cocasse qui brille par son intelligence, rien que dans la proposition de base on y décèle aussi bien de l'espionnage que de la comédie familiale.
Pour un shonen manga, la proposition est forte. Développer une histoire comme celle-ci est à la fois alléchant et casse-gueule. Tout dépend de la maitrise du scénario surtout quand on emprunte quelques codes au théâtre de Vaudeville - chacun se cache la vérité, on fait comme ci on n’avait rien vu et on avance pour montrer que la famille est digne, etc. Cela peut très vite tourner court ou sur des ressorts déjà vu. Ici, c'est tout autre.
La narration est d'une fluidité exemplaire, les scènes s'enchainent avec une dextérité limite jouissive. Les ations entre scènes d'actions, scènes émotives et scènes d'humour s'entremêlent parfaitement pour donner vie à cette histoire loufoque. Pour rappel, Tatsuya Endo publie chaque mois deux chapitres. Pour garder le lecteur, chacun des chapitres doit être le plus attrayant possible. Et c'est un tour de force que réussit l'auteur à chaque fois. Le rythme de sa narration surprend toujours et ses ruptures humoristiques poussent parfois le lecteur dans de grands fous rires, une chose assez rare dans ce type d'histoire encore une fois. C'est punchy, sexy, drôle et émouvant en même temps, et ça de chapitre en chapitre.
Le conte d'espionnage permet aussi de faire ressortir les séquences d'actions, mais aussi des moments plus WTF, à l'image d’Austin Powers par exemple. On reprend les mêmes ingrédients folkloriques, on y rajoute une pincée de vision japonaise et on est dans du grand n'importe quoi, mais bizarrement toujours maitrisé. Et y rajouter en plus une comédie familiale, c'est ici que le tour de force est impressionnant. Autant sur les deux premiers, on connait déjà, mais ici le rôle des personnages est plus que crucial dans la maitrise de l'ouvrage.
Des personnages terriblement attachants
Les personnages sont le plus grand pouvoir de ce manga. Outre sa narration exemplaire, l'histoire repose essentiellement sur ces héros originaux et surtout sur cette combinaison assez unique. L'auteur utilise aussi les secrets des uns et des autres pour donner vie à des situations vraiment drôles et très fortes en émotion.
Twilight ou Loid Forger, psychiatre en apparence et espion dans la vraie vie, est un homme taciturne qui fait son travail de manière efficace et précise, mais qui travaille toujours en solo et ne fait que peu confiance aux autres. Le mettre dans une position où il ne peut avoir aucune maitrise est assez classique dans ce type d'histoires. Mais de là à le destituer vraiment de temps en temps dans une ime absolue est assez jubilatoire, surtout quand il doit vraiment compter sur ses proches qu'il ne connait à peine et dont les tempéraments spéciaux peuvent poser question.
Les réactions que peut avoir ce héros sont vraiment très drôles. L'auteur s'amuse à rendre chèvre son héros et cela déclenche des rires automatiques. Pour prendre un exemple, le Roi Arthur d'Kaamelott est un bon bougre, mais qui est juste entouré d'incompétents, ou qui ne sait pas apprécier à leurs justes valeurs les compétences des uns et des autres. Ici, c'est un peu pareil, Loid Forger ne comprend absolument pas les comportements de sa "fille" et de sa "femme" et pourtant il doit leur faire confiance pour le bien de sa mission et surtout de sa santé. Mine de rien, il est quand même drôlement entouré.
Twilight, à ne pas confondre avec un film
Anya Forger est sa "fille adoptive", elle a le don de lire dans les pensées. Tout en gardant secret son pouvoir, cette petite fille de 6 ans essaye de tout faire pour aider son "papa" qui l'a sorti d'un orphelinat. C'est le personnage trop choupinou de ce manga, le côté attendrissant, drôle et mignon, avec ses attitudes, ses manières et aussi sa compréhension des choses. Elle favorise les quiproquos grâce à son pouvoir, car lire dans les pensées pour un enfant peut vraiment aider ceux-ci à se créer une histoire sur les adultes. Elle est la première source d'humour et d'attendrissement de ce manga, avec ses sorties et ses bêtises.
Quant à Yor Forger, elle se marie avec Loid juste parce qu'elle ne veut pas être mal vue par la société, elle qui est toujours célibataire à 27-28 ans, mais aussi pour mieux couvrir ses activités de tueuses à gages tout en restant fonctionnaire dans la vie civile. On est donc sur une femme qui a été entrainée depuis son plus jeune âge à tuer des personnes et qui est ionnée par la baston, la découpe et les outils pour tuer. Sa personnalité oscille entre la psychopathie et la fille gentille et proprette. Elle est le côté action du manga et sidekick du héros et c'est aussi par elle que la comédie familiale peut se compléter.
On a donc ici trois personnages aux caractères bien trempés et très différents qui doivent coexister pour que chacun puisse finir leurs propres missions, aussi bien de travail que de vie. Un cocktail explosif qui fonctionne à merveille, et on en redemande même.
Un auteur compétent et drôle
Si on additionne la narration et les personnages, on a une histoire qui devient attrayante. On rajoute maintenant dans ce calcul la maitrise de l'auteur pour le manga et on est bon.
Tatsuya Endo est plus ou moins connu dans le monde du manga avec Tista publié en 2010 chez Kazé. Ce manga retraçait la vie d'une jeune fille bien sous tout rapport et tueuse professionnelle à New York. Sous la forme d'un thriller musclé et effréné, l'auteur arrivait déjà à manier émotion et scène d'action. La série fut courte, mais maniée d'une main de maitre avec un final assez explosif.
Après la publication de plusieurs one-shots ou de mangas où il n'était que dessinateur comme The Moon Sword, publié aussi chez Kazé, il arrive maintenant à une sorte de consécration très rapide avec Spy X Family. Il y met toute son énergie et sa verve dans ce manga. Le découpage des cases est d'une impressionnante limpidité aussi bien dans les scènes d'actions que dans les scènes de vie ou d'humour. C'est clair, précis et détaillé comme il faut. Il connait si bien les codes du manga qu'il en joue, les dernières cases sont souvent des touches d'humour ou bien une case qui fait vraiment envie au lecteur de lire la suivante.
L'auteur est compétent dans tous les domaines, aussi bien dans l'architecture, que dans la retranscription des émotions. On ne peut faire aucune remarque sur le dessin (déjà impressionnant sur ses précédentes œuvres), il est d'une justesse millimétrée. Ce qu'il veut transmettre dans son manga touche directement le lecteur, c'est aussi une des raisons pour lesquelles ce titre a fonctionné si vite sur la plateforme. Tout fait mouche très vite. On comprend le propos, l'action, les enjeux et l'humour est simple et accessible.
Sur les scènes d'action ou les scènes de combat, le dessin et les mouvements sont encore plus précis. La sensation des coups donnés ou des tirs deviennent presque des animatiques. Rien n'est laissé au hasard, tout est ajusté pour montrer soit l'incongruité de l'action ou bien la véracité de celle-ci. Et bien sûr, vu qu'on est quand même dans une comédie, la dramaturgie est totalement désamorcée directement par la case suivante ou par la page suivante. On le répète : rien n'est laissé au hasard.
Spy X Family est un condensé d'action, d'humour et surtout de good feeling, ce qui est assez rare dans les mangas qui sortent ces temps-ci. Mêler les genres et en sortir quelque chose d'hyper positif, ça ne court pas les rues. Surtout quand c'est bien fait comme ici. Le succès de ce titre résulte donc de plusieurs facteurs : son histoire, ses personnages et évidemment le talent de son auteur.
On comprend mieux pourquoi en si peu de temps, le manga a pu vendre autant de tomes, surtout pour une production à la base numérique au Japon. Chaque chapitre est de plus en plus suivi sur l'application Shueisha Manga +, quatre tomes sont déjà sortis au Japon. Chez nous, le deuxième tome sortira le 12 novembre, toujours chez Kurokawa.
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Je suis tombé sur ce manga chez mon libraire et je dois avouer avoir eut un coup de coeur immédiat. Le stylé graphique est super plaisant et on se prend rapidement d’affection pour la <
>. Une des meilleures révélations pour moi cette année et je lis beaucoup de manga.