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Thunderbolts* : pourquoi ce personnage raté gâche le nouveau Marvel (comme d’habitude…)

Par Geoffrey Crété
3 mai 2025
© Marvel

Si Marvel a vraiment du mal à gérer l’humour (qui fait rire).

Incroyable mais vrai : Marvel a refait un bon film, qui tient debout, qui raconte quelque chose, et qui provoque même quelques émotions. C’est peu, mais après la laborieuse Phase 5 composée d’Captain America 4 (à vous de trouver le meilleur et le pire), c’est presque magique.

Après de multiples bides au box-office, Marvel peut donc espérer que Thunderbolts* rectifie le tir, et prépare le terrain pour Avengers : Doomsday (en salles le 29 avril 2026).

Mais Thunderbolts* reste un produit Marvel, avec tout ce que ça implique de programmatique et rébarbatif. Et si le cahier des charges niveau action (petite baston dans un couloir par-ci, petite rue new-yorkaise détruite par-là) est dignement respecté, il y a un problème dans ce nouveau film du MCU : un personnage, qui représente tristement bien pourquoi Marvel a encore et toujours du mal à gérer la dose d’humour.

ATTENTION SPOILERS

LE CAPTAIN AMERICA SOVIÉTIQUE

Si vous avez vu le film, il y a 99,99% de chances que vous sachiez de qui on parle : Alexei Shostakov alias Red Guardian, le lourdaud incarné par Black Widow en 2021, ce Captain America soviétique était le « père » des jeunes Natasha Romanoff (Scarlett Johansson) et Yelena Belova (Florence Pugh), aux côtés de leur « mère » Melina Vostokoff (Rachel Weisz).

Cette famille d’espions russes à la The Americans avait implosé dans les années 90 avant de se retrouver en 2016, suite aux événements de Captain America : Civil War qui avaient poussé Natasha à fuir. Ensemble, ils allaient stopper le méchant général Dreykov, à la tête de la « Chambre Rouge », le programme secret qui transforme des femmes en Veuves noires grâce à un agent chimique les privant de libre arbitre.

A la fin de Black Widow, tous les gentils avaient gagné, et Alexei partait de son côté avec Yelena et Melina tandis que Natasha retrouvait les Avengers pour les aider. Et le voilà de retour dans Thunderbolts* puisque sa « fille », encore vivante mais légèrement dépressive, reprend avec lui, et le remet au centre de l’action malgré elle (Rachel Weisz avait sûrement aqua-poney donc elle est absente).

David à rebours de l’humour

LE DERNIER RUSSE DU CARROSSE

C’est à la fois le problème et le rendez-vous manqué avec ce personnage : Alexei est la pièce rapportée des pièces rapportées de Thunderbolts*. Yelena, Ava alias Ghost (Julia Louis-Dreyfus, qui serait probablement excellente même en lisant un bulletin météo).

C’est pour faire tomber cette odieuse politicienne que Bucky (Lewis Pullman) est impliqué, se réveille au milieu de la bande, et devient finalement Sentry, puis Void.

Mais Red Guardian, lui, n’a rien à faire là. Sans Yelena, il aurait probablement continué à faire du gras sur son canapé entre ses chips et ses VHS. Et quand il débarque avec les Thunderbolts dans le QG de la grande méchante, elle découvre son existence. Elle qui dirige le récit depuis le début se demande ce que ce gros lourd costumé fout là. Comme nous, depuis le début du film.

« Qui vous a laissé rentrer, monsieur ? »

THUNDERBOF

L’insignifiance de Red Guardian aurait pu être jolie puisque c’est le thème profond de Thunderbolts*. Yelena, Ava et John se sentent eux aussi inutiles, et c’est pour trouver un vague sens à leur vie qu’ils sont devenus mercenaires au service de Valentina de Fontaine. Quand elle décide de les éliminer, elle enfonce le clou : elle compte sur eux pour bêtement s’entretuer, preuve ultime du mépris qu’elle a pour leur existence.

Bucky Barnes, de son côté, se cherche depuis les débuts du MCU. Apparu dans huit films et une série, il a été l’ami, le mort, le méchant, le repenti et l’Avenger, avant de laisser Sam Wilson devenir le nouveau Captain America et s’essayer à la politique. Le fait qu’il se transforme si facilement en Terminator à moto pour arriver à ses fins montre bien qu’il n’a pas encore trouvé sa voie, et donc un sens à sa (sur)vie.

Super Nacho

Alexei aurait même pu devenir le miroir de Bob, le junkie qui traîne ses traumatismes d’enfance sous ses airs benêt et sert de comic relief pendant une bonne partie de l’histoire. Red Guardian s’accroche à ses vieux souvenirs de gloire soviétique, rêve de reprendre du service pour avoir une raison d’exister, et répète toutes les deux scènes que les Thunderbolts pourraient sauver le monde et devenir des célébrités. Sentry, lui, est séduit par l’idée d’être quelqu’un qui compte dans l’univers, pour que sa vie serve enfin à quelque chose.

Sauf que l’un est surpuissant, et l’autre inable. Et le film le crie du début à la fin, ne laissant finalement aucun choix au public. Le scénario écrit par Eric Pearson (Black Widow, Transformers : Le Commencement) et Joanna Calo (BoJack Horseman, The Bear) utilise Alexei pour une chose : les blagues. Qu’il répète de scène en scène, autour des mêmes idées (« regardez comme il est pitoyable ») et des mêmes mécaniques (« regardez comme les autres sont gênés »).

Thunderbolts*
Faîtes votre classement, du plus ou moins lourd

Quand Alexei débarque au milieu du désert en hurlant au volant de sa limousine, alors qu’il est complètement en retard sur les événements, Yelena est tellement mal à l’aise qu’elle se cache. Thunderbolts* rejouera plusieurs fois cette image, comme pour insister sur le caractère minable d’un personnage que tout le monde se retrouve à er, à défaut d’apprécier.

Et les scènes post-générique en remettent une couche. Dans la première, il arrive à faire fuir une cliente de supermarché, histoire de bien montrer qu’absolument personne n’être en sa présence, pas même une figurante au rayon céréales. Et dans la deuxième, il débarque avec un costume évidemment ridicule, et une proposition évidemment ridicule (les AvengerZ : digne des Quadricolor « parce qu’il y a quatre couleurs primaires »). Si jamais quelqu’un n’avait pas envie de lui mettre trois paires de claques, Thunderbolts* s’y emploie jusqu’à la toute fin.

thunderbolts* david harbour florence pugh
Quand ton daron vient de chercher à l’école

LE PROBLÈME MARVEL

Red Guardian n’est malheureusement pas le premier personnage « je-suis-là-pour-faire-des-blagues » du MCU. Darcy (Kat Dennings) dans Thor, Luis (Michael Peña) dans Ant-Man, Ned (Jacob Batalon) avec Spider-Man, Katy (Awkwafina) dans Shang-Chi… il y en a à la pelle, et c’est une tradition.

Mais il y a une différence entre rire avec, et rire de. On rit avec Drax dans Les Gardiens de la galaxie, parce qu’il est en adéquation avec le reste de la bande : inadapté, décalé, incapable de communiquer normalement ses sentiments. On rit de Kingo (Kumail Nanjiani) dans Les Éternels parce qu’il a l’air de jouer dans un autre film, par des blagounettes écrites avec les pieds qui semblent avoir été rajoutées de force dans le scénario, pour cocher des cases et servir dans la bande-annonce.

Red Guardian se place en bonne position parmi les pires seconds rôles du MCU, d’autant que cet humour repose quasi uniquement sur les dialogues. Ce qui est nettement moins élégant que James Gunn avec Drax dans Les Gardiens de la galaxie, où c’est d’abord une question de tempo et de silence.

Red is dead

Reste néanmoins une miette qui offre un peu d’humanité à Red Guardian dans Thunderbolts*, et a donné à David Harbour quelque chose à jouer : la confrontation entre lui et Yelena dans la rue, après la défaite face à Sentry dans le bureau de Valentina. Là, le « père » et la « fille » parlent enfin des vraies choses, c’est-à-dire le deuil après la mort de Natasha. Qui, pour rappel, s’est sacrifiée dans Avengers : Endgame pour aider à sauver l’univers, et a été oubliée comme une assiette sale puisqu’elle n’a pas eu droit à des funérailles en grande pompe.

C’était ce deuil et cette absence d’explications qui dictait les actions de Yelena dans la série Hawkeye, où elle voulait tuer Clint Barton pour venger sa sœur (merci les mensonges de Valentina). Et Florence Pugh a expliqué à ScreenRant que David Harbour et elle se sont battus pour que ce soit abordé dans Thunderbolts* :

« Natasha était son héroïne et son idole. C’est sa grande sœur. Même quand elle était énervée contre elle, elle l’aimait toujours. Donc l’idée qu’elle soit morte et qu’elle n’ait pas pu avoir cette relation qu’elle avait commencée à avoir avec elle dans Black Widow ? Si je n’avais pas pu jouer ça, j’aurais été énervée. (…)

Et c’est la même choses pour David et moi, on s’est battus pour cette relation dans le film. On ne peut pas ne pas avoir cette dispute à propos de ce qui nous est arrivé depuis la mort de Natasha. »

Une composition de plan jamais vue dans le MCU

Une scène sur deux heures de film, c’est peu. Thunderbolts* semble déterminé à construire les Nouveaux Avengers en utilisant Red Guardian comme marche-pied, peut-être pour contrebalancer avec la relative noirceur autour des autres personnages, ou peut-être parce que Marvel a des problèmes d’équilibre de manière générale (l’absence de flashbacks pour découvrir le é d’Ava, par exemple).

Dans tous les cas, on a qu’une hâte : qu’Alexei soit perdu dans la masse d’Avengers : Doomsday, qu’il n’ait pas le temps de faire des blagues, voire qu’il soit oublié sur le bord de la route après deux scènes. On a le droit d’espérer.

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Flo1
Flo1
il y a 1 mois

C’est comme Homer Simpson : on le sait qu’il est fou et con… Même c’est quand il se montre intelligent et adroit qu’il est intéressant. Et ça, ça arrive plusieurs fois dans le film, pas qu’une. Car ça reste aussi un fort combattant, on le voit sauver des gens. Et même s’il ne sait pas exprimer ses émotions (russe Et ex espion tout de même), il fait des efforts. Ce qui fait qu’on rit de Et avec, en alternance.

Cet humour c’est de la rupture de ton, c’est ça le vrai terme (jamais ils ne rigolent pendant des scènes cruciales et sérieuses, vérifiez donc). C’est fait pour ne pas être trop plat et sentencieux – et c’est pas un humour exclusif à Marvel, studio dont on cite trop le nom sans réfléchir, comme un bête élément de langage…
Après, ce sont des films d’action avec beaucoup de super pouvoirs/gadgets, et des personnages que Stan Lee a conçu comme des tchatcheurs dans les comics. Fondamentalement, c’est plus festif et c’est aussi de la vulgarisation.

Donc ça ne peut pas être trop profond au risque d’en devenir indigeste. Même dans les comics, où ils ont plus de temps pour traiter un sujet, on finit toujours par revenir aux bastons d’adolescents.
Aux lecteurs et spectateurs de continuer tous seuls les réflexions que ces opus exposent.

Aegon 2eme
Aegon 2eme
il y a 1 mois

Tout le monde dit que c’est un bon film mais en réalité il est able. C’est juste que derrière tout ceux qui sont sortis ces derniers temps, on dirait un chef-d’œuvre. C’est dire le niveau…

Berlingo
Berlingo
il y a 1 mois

Ouais bon… je serai loin d’être aussi méchant avec le personnage de Alexeï-Red Guardian. Sûr qu’il est lourdaud par moments mais il vient sauver plusieurs scènes qui auraient dérivé dans le pathos larmes-bisous sans lui. Scènes qu’on connait par coeur, qu’on a déjà vu mille fois dans le MCU. Red Guardian démine tout ça avec ses grosses bottes de russkof lourdingue et ça marche souvent. Et pour bien connaître un russe, je confirme qu’ils peuvent être très lourds (surtout avec une bouteille de vodka) mais ils sont drôles et ils ont le coeur sur la main. C’est un cliché mais c’est véridique. Donc le personnage marche, pour moi.
L’acteur est doué, il l’a prouvé dès sa première apparition mémorable dans Quantum of Solace en 2008 aux côtés de Jeffrey Wright, en agent de la CIA sans scrupules (avec déjà Olga Kurylenko qui avait plus de présence à l’époque!). Il a aussi cartonné dans des séries télé. Le gars a un vrai potentiel comique et il l’utilise plutôt bien dans Thunderbolts. Ouf! Heureusement qu’il intervient régulièrement avant le bâillement qui nous guette. Il a aussi quelques scènes émouvantes avec sa fille.