Souvent considéré comme le mouton noir du studio Ghibli, Goro Miyazaki est pourtant un premier film ionnant.
Créé il y a bientôt 40 ans, le studio Ghibli est aujourd’hui plus que jamais une référence absolue dans le monde du cinéma d’animation. Et le récent triomphe du sublime Le Garçon et le Héron est venu confirmer que Hayao Miyazaki, le cofondateur du studio, n’a pas dit son dernier mot. Sur les vingt-cinq longs-métrages produits par Ghibli, on compte une majorité de réussites artistiques éclatantes. Mais cela n’empêche pas quelques sorties de piste.
- À lire aussi : notre critique du Garçon et le Héron
Lorsqu’il s’agit d’énumérer les rares échecs artistiques du studio, on entend très souvent revenir Les Contes de Terremer, tout premier long-métrage de Goro Miyazaki. On reproche généralement au film d’être plus décousu, moins magique, moins attachant que les autres films de chez Ghibli. Et pourtant, cette première œuvre du réalisateur japonais s’avère ionnante sous de nombreux aspects. Entre récit intime et thématiques profondes, explorons les raisons de réhabiliter cette pépite mal-aimée.
À LA MERVEILLE
Pour ses débuts en tant que réalisateur, le jeune Goro Miyazaki tente de respecter le riche héritage de son père et du studio qu’il représente. Fidèle au style Ghibli, Les Contes de Terremer propose ainsi un récit initiatique à la fois doux et extraordinaire, parsemé de moments contemplatifs sublimes. Le long-métrage nous dévoile progressivement un monde de sorts et de magie, un univers complexe où dragons et sorciers côtoient une humanité décadente, fatiguée.
De nombreux critiques ont reproché à Goro Miyazaki d’égarer ses spectateurs. C’est pourtant là un parti-pris ionnant et audacieux du jeune cinéaste. Plutôt que de tout nous expliquer en détail, il nous laisse découvrir ce monde hostile à travers les yeux du jeune Arren. Il tente de nous communiquer l’émerveillement ainsi que la perte de repères du jeune prince fugitif. Nous découvrons les règles et les enjeux en même temps que notre héros, ce qui vient renforcer l’identification et le lien émotionnel entre lui et le spectateur.
Pour ce qui est de l’aspect contemplatif, Les Contes de Terremer propose une expérience visuelle saisissante. L’animation est somptueuse, témoignant du savoir-faire toujours inégalé du studio Ghibli. On note cette fois-ci un travail saisissant sur les couleurs pastel ainsi que sur les différentes textures. Cette ambition pousse Goro Miyazaki à proposer des séquences purement expérimentales, dont le saisissant cauchemar du jeune Arren en milieu de récit.
Plus qu’une réussite visuelle indéniable, le long-métrage est avant tout une expérience sensorielle. Le rythme lent, mais envoutant et la narration très visuelle, qui ne s’embarrasse pas de dialogues bêtement explicatifs, forgent une œuvre exigeante dans laquelle il faut accepter de s’égarer. Pour accompagner ce voyage, on peut compter sur un mixage son stupéfiant. On entend le bruit des vagues au loin, le souffle du vent dans les hautes herbes. Terremer devient alors un monde tangible.
Il serait impossible de ne pas également mentionner la bande originale mystique du duo Tamiya Terashima et Carlos Nunes. Loin de la douceur des partitions habituelles de Joe Hisaishi pour les films du studio Ghibli, cette bande originale embrasse des sonorités bien plus sombres et mélancoliques. Sans oublier la chanson interprétée a capella par la jeune Therru, une pause narrative inoubliable qui offre au film une de ses plus belles séquences.
HÉRÉDITÉ
La relation conflictuelle entre Goro Miyazaki et son père n’est un secret pour personne. Ainsi la fabrication du long-métrage a été particulièrement éprouvante pour le jeune cinéaste, cible constante des critiques acerbes de son père. Des reproches qui continueront jusqu’au jour de la sortie du film lorsque Hayao Miyazaki déclarera à la presse que Les Contes de Terremer ne tient que sur des sentiments superficiels.
Ce serait pourtant faire fausse route que de ne voir dans cette œuvre qu’un joli exercice de style sans âme. D’autant que Goro Miyazaki s’est assuré de faire de son premier film un récit intime dans lequel il se confie sur sa place en tant qu’artiste face au poids de son héritage. Le message est d’ailleurs limpide dès l’ouverture du long-métrage : l’enjeu pour lui comme pour Arren est de tuer le père pour trouver sa voie.
Le cinéaste aurait pu céder à la facilité en débutant sa carrière avec une adaptation trop fidèle. En effet, Les Contes de Terremer est adapté du Cycle de Terremer de l’autrice Ursula K. Le Guin. La saga d’origine, composée de romans et de nouvelles, pouvait sembler suffisamment riche pour que Goro Miyazaki se contente de l’adapter sans effort, sans chercher à imposer son identité. Mais le jeune réalisateur a opté pour un parti-pris bien plus risqué.
Il a ainsi transformé le voyage initiatique du jeune Arren en quête artistique. On peut voir dans son héros un jeune artiste qui croule sous le poids de son héritage et doit le combattre. Au-delà de l’affrontement initial avec son père, Arren combat des loups dans le désert le temps d’une séquence qui semble directement tirée du Horus, prince du soleil de Isao Takahata. Le réalisateur est donc constamment sur cet équilibre complexe, entre hommage respectueux et combat émancipateur. La libération ultime du protagoniste sera de trouver son "Vrai Nom" ou tout simplement d’affirmer son identité.
MISE À MORT DU DRAGON SACRÉ
Au-delà de sa portée intime et métatextuelle, Les Contes de Terremer explore deux thématiques principales : la cupidité et la mort. La cupidité est présente dès l’ouverture du récit. On nous explique ainsi que c’est la soif de possessions matérielles qui a poussé les humains à s’approprier la mer et la terre, brisant le lien d’unité autrefois partagé avec les dragons. Au cours de son voyage, Arren va voir de près les conséquences terribles de cette avidité.
Qu’il s’agisse de marchands d’armes manipulateurs, de vendeurs d’esclaves ou de drogue, les hommes de la ville semblent rongés par un mal qui les détruit de l’intérieur. Même les villageoises qui profitent des remèdes de Tenar vont la vendre sans problème pour une pièce en or. En opposition à cette malédiction, le film prône un retour à la nature pour retrouver notre humanité. Goro Miyazaki se permet ainsi un très long détour narratif dans une auberge en pleine campagne. Un choix puissant qui va considérablement transformer Arren.
Pour ce qui est de la mort, elle semble omniprésente tout au long du récit. Dès la séquence d’ouverture, on voit ainsi deux dragons s’entretuer sous les yeux ébahis de marins perdus dans une tempête. On apprend plus tard que c’est la crainte de mourir qui a fait perdre à Arren sa part de lumière. C’est également la quête irrationnelle de vie éternelle qui transforme Aranéide en créature maléfique.
Pour notre jeune héros, le dilemme se pose entre suivre la voie du sorcier ou simplement accepter que la mort donne tout son sens à la vie. Cette vérité est d’ailleurs énoncée à plusieurs reprises dans le film, d’abord par Épervier puis Therru. Lorsqu’il accepte enfin sa propre mortalité, Arren trouve un chemin de rédemption sur lequel il peut se reconstruire. La chanson du générique de fin viendra au age expliciter cette idée : il faut apprendre le Vrai Nom de l’autre avant que la lumière ne disparaisse.
En conclusion, même s’il peut désarçonner par son rythme surprenant ou sa mise en scène exigeante, Les Contes de Terremer est une véritable pépite. Pour son premier long-métrage, Goro Miyazaki parvient à créer un film d’animation qui brille de par son exécution technique tout en étant riche en thématiques profondes. Mais le jeune cinéaste parvient surtout à forger une première œuvre qui lui ressemble.
On devinait déjà le talent brut qu’il confirmerait aisément avec son deuxième long-métrage, La Colline aux Coquelicots. Un second triomphe artistique avant la sortie de piste Aya et la Sorcière qu’on préfère oublier en espérant que le réalisateur nous revienne en meilleure forme dans les années à venir.
La suite est réservée à nos abonnés. Déjà abonné ? Se connecter
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Mezhia : comme toutes les adaptations, ce film est une adaptation, pas une transposition.
Il existe tout seul, pas besoin de lire le bouquin pour l’aimer, pas besoin de le détester parce qu’on a lu les livres.
Tout ça peut très bien coexister.
Ben déjà lisez le roman et revenez faire votre critique. Le film est une adaptation catastrophique .
Excellent film! et Aya qui c’est fait défoncé par les « critiques » est génial!
La bo est un chef d’oeuvre ! Et j’aime beaucoup le film.
J’étais vraiment pas dans les meilleurs conditions pour découvrir ce film, du à sa très mauvaise réputation. Mais bien m’en a pris de le voir.
C’est une excellente surprise, doublée d’une adaptation bien ficelée qui ne se repose pas lourdement sur le matériau de base.
Il y a beaucoup de critique de critiques que je trouve non pertinentes et qui donne l’impression que « il n’a pas fait comme papa et c’est pas bien ».
Il parait que le design est moins bon.
Ah bon ? Le style fait un peu old school, certes mais jusqu’à preuve du contraire, les films old school ne deviennent pas moins bon avec le temps. Et c’est un choix qui s’entend pour vouloir se démarquer de Papa.
Il parait que c’est pas dans le ton des films Ghibli.
Parce qu’il faut coller à un style ?
Tous les réalisateurs du studio ont leur patte. Takahata n’a rien à voir avec Miyazaki père qui n’a rien à voir avec Yoshifumi Kondō qui lui-même n’a rien à voir avec Hiroyuki Morita. Il est d’ailleurs clair que dès que les cinéastes Ghibli tentent de coller au style de Miyazaki père, c’est plutôt mou (Marnie, Arrietty).
Il est clair que Miyazaki père ne laisse pas respirer son fils. Et le fils me donnera ce qui est mon film Ghibli préféré avec la Coline au coquelicot. Un film qui rend plus hommage à Takahata dans son approche du quotidien d’un Japon traditionnel et très humain avec des enjeux à hauteur d’homme.
Je n’ai pas vu Aya mais il faut au moins reconnaitre à Goro la volonté de chercher à se différencier.
Terrermer est un des films les plus sombres de Ghibli. Et Goro est de loin un des artistes les plus intéressant de Ghibli.
C’est le plus mauvais film du studio.