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The Thing : avant le chef-d’œuvre de l’horreur, le film qui a foutu la trouille à Carpenter

Par Clément Costa
16 décembre 2023
MAJ : 16 décembre 2023
La Chose d'un autre monde : photo

Bien avant le chef-d'œuvre The Thing de John Carpenter, La Chose d'un autre monde adaptait le roman court de John W. Campbell pour créer un monument horrifique.

Si l'on connaît essentiellement le roman La Chose de John W. Campbell grâce à l'adaptation prodigieuse The Thing par John Carpenter sortie en 1982, l'œuvre avait déjà attiré le cinéma hollywoodien des décennies plus tôt. Officiellement réalisé par Howard Hawks, La Chose d'un autre monde sorti en 1951 offre une relecture très libre, mais ionnante de ce récit horrifique.

Si le long-métrage peut décevoir les lecteurs de Campbell tant il en trahit la narration, il parvient miraculeusement à en conserver l'esprit et l'inventivité terrifiante. Entre choix scénaristiques, mise en scène prodigieuse et thématiques complexes, voyons en quoi ce classique des années 50 reste encore à ce jour une véritable pépite du genre qui n'a rien perdu de son aura monstrueuse.

 

La Chose d'un autre monde : photoJusqu'au bout de la terreur

 

TRAHIR SANS TROMPER

Quand John Carpenter s'attaque au projet The Thing à l'aube des années 80, il insiste dès le début sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un remake de La Chose d'un autre monde, mais plutôt d'une adaptation du roman court La Chose de John W. Campbell. Bien qu'aimant tout particulièrement le film de Christian Nyby et Howard Hawks, le cinéaste estime que l'histoire d'origine est si folle et terrifiante qu'elle mérite enfin une adaptation fidèle digne de ce nom.

C'est certainement la porte d'entrée idéale pour découvrir le classique de 1951 sans être déçu : La Chose d'un autre monde fait le choix de la trahison plutôt que celui de l'adaptation littérale. Le film décide d'évacuer d'entrée de jeu l'aspect métamorphe du monstre de John W. Campbell, caractéristique de laquelle provenait pourtant la quasi-totalité des enjeux narratifs du roman. On remplace alors une terreur paranoïaque par une peur plus tangible, incarnée par un seul antagoniste monstrueux.

 

La Chose d'un autre monde : photoDynamiter le concept d'adaptation fidèle 

 

Du concept d'entité prenant toutes les formes qu'elle détruit, John Carpenter va livrer en 1982 un film à la fois paranoïaque et extravagant, qui assume son horreur graphique jusqu'au grotesque. Dès la seconde moitié des années 50, ce concept fort d'angoisse venant d'une menace impossible à identifier s'exprimait déjà à l'écran, notamment avec L'Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel. Cependant si La Chose d'un autre monde fait le choix d'un récit plus linéaire, ça n'est jamais aux dépens du sentiment de peur et d'insécurité.

En nous présentant clairement la Chose en question comme une entité précise, le long-métrage parvient à susciter l'angoisse du spectateur sur un terrain totalement différent. Plus question de se demander qui porte le mal en lui. La terreur naît d'une forme d'incertitude totalement différente, à savoir où est la créature et quand va-t-elle er à l'attaque. Dans tous les cas, le huis clos diabolique et la menace extraterrestre fonctionnent à merveille.

 

La Chose d'un autre monde : photo Une menace qui reste terrifiante 

 

D'autant que La Chose d'un autre monde utilise merveilleusement bien les avantages du noir et blanc pour jouer sur l'inconnu et les zones d'ombre. S'il était évidemment impossible en 1951 de mettre en scène les transformations spectaculaires du film de John Carpenter, le long-métrage semble avoir parfaitement compris ses limites techniques. Plutôt que de risquer le ridicule, il joue ainsi sur le terrain ionnant de la suggestion et du hors-champ.

Au-delà d'une logique rationnelle d'économie de moyens, ce parti pris artistique traduit une véritable réflexion sur le principe même de peur ainsi qu'une intelligence indéniable dans la mise en scène. On retrouvera de très nombreux héritiers du film dans les décennies suivantes. Parmi les plus prestigieux, difficile de ne pas penser au classique Les Dents de la Mer de Steven Spielberg qui choisit lui aussi de cacher son monstre le plus longtemps possible pour en décupler la terreur.

 

La Chose d'un autre monde : photoMonstre & Cie

 

PSYCHOSE(S)

La question du véritable réalisateur du film fait débat depuis les années 50. Est-ce que le légendaire Howard Hawks a tout fait dans l'ombre ou n'a-t-il simplement réalisé que quelques séquences ? Le débat enflammé ne sera certainement jamais totalement résolu. D'autant plus que même les acteurs du film n'ont pas tous la même version des faits. Une chose est cependant évidente : le style de Hawks influence de façon évidente tout le long-métrage.

On retrouve tout d'abord une véritable maîtrise du film de guerre qui évoque par moments La Patrouille de l'aube du même cinéaste. Dans La Chose d'un autre monde, on suit des soldats qui font l'expérience d'une guerre inconnue, face à un ennemi qu'ils ne comprennent pas. Le traitement est si réaliste que l'on retrouve ce même sens de la tension, du drame psychologique et tous les enjeux traditionnellement liés au genre.

 

La Chose d'un autre monde : photoUn artisanat sublime

 

Au-delà de sa maîtrise des genres, La Chose d'un autre monde bénéficie d'une mise en scène particulièrement élégante. Les plans anxiogènes sont sublimés par des décors soignés, immersifs. La musique saisissante vient appuyer les grands moments de tension. Au final, la facture technique de l'œuvre est largement supérieure au tout-venant de la science-fiction américaine des années 40 et 50. On peut d'ailleurs trouver ionnante l'ambition d'anoblir le genre là où le film de John Carpenter embrassera plutôt un aspect volontairement choc et sulfureux.

Cinéaste particulièrement versatile, Howard Hawks a pour ambition dans toute sa filmographie de souligner les conflits humains avec finesse et profondeur. La Chose d'un autre monde s'inscrit là encore dans cet héritage direct grâce à une galerie de personnages charismatiques et attachants. Chez Campbell et Carpenter, l'équipe de recherche est avant tout composée de personnages fonction, des réceptacles de peur. Ici, on retient des héros identifiables et mémorables – en particulier Nikki, seule femme de l'équipe qui déjoue totalement les stéréotypes des héroïnes de l'époque.

 

La Chose d'un autre monde : photoBien plus qu'une demoiselle en détresse

 

PEUR ROUGE

Avec un tel savoir-faire dans la mise en scène et l'écriture, il semble évident que La Chose d'un autre monde avait pour ambition d'être plus qu'un simple plaisir pulp régressif. Le long-métrage se distingue ainsi par ses différentes thématiques qui donnent une idée très précise du climat sociopolitique dans lequel il a été conçu. On retrouve une métaphore évidente de la guerre froide avec un monstre qui incarnerait un communisme déshumanisé menaçant de braves soldats et citoyens américains.

Mais au-delà de cette première lecture convenue, on peut voir dans le film une véritable méfiance envers les progrès de la science. L'opposition est claire entre des soldats conservateurs héroïques et un scientifique déviant, opportuniste, qui ferait presque office de second antagoniste du film. En prenant clairement le parti des militaires, le long-métrage traduit sans le vouloir l'angoisse d'un monde qui doit désormais vivre avec la potentialité d'une guerre nucléaire et une destruction totale du vivant.

 

La Chose d'un autre monde : photoLa science c'est mal

 

Très ancrés dans l'esprit de l'époque, certains de ces thèmes peuvent rendre le film très critiquable moralement, avec le recul. Cependant La Chose d'un autre monde doit avant tout être perçu comme une traduction ionnante des enjeux qui secouaient la société nord-américaine dans les années 50. Preuve de plus, si besoin était, que le cinéma de genre a toujours été capable de réfléchir sur son époque et de lui présenter un miroir déformant, imparfait, mais souvent captivant.

On retiendra ainsi La Chose d'un autre monde comme un pionnier du film de monstre extraterrestre. Une pépite de terreur qui survit particulièrement bien au temps qui e. L'influence du film est telle qu'on ne pourrait pas en nommer tous les héritiers. Il n'y a ainsi rien de surprenant à voir Ridley Scott le citer comme une source d'inspiration majeure pour son Alien. Autant dire que les raisons de (re)découvrir cette œuvre unique ne manquent pas.

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Zarbiland
Zarbiland
il y a 1 année

merci pour l’article, grand fan du The Thing de Carpenter, je savais que ce n’était pas un remake mais une adaption plus proche du bouquin . J’ai vu le film de Hawks gamin, ça me donne envie de le revoir aujourd’hui. Je vois qu’il est sur apple.

Vomito
Vomito
il y a 1 année

@Nico
Je pense qu’il ne faut pas donner de l’intérêt et répondre à des imbéciles pareil. Ça leurs donnent trop d’importance.

Sinon jamais vu ce film, mais ça me botte bien du coup.

Nico1
Nico1
il y a 1 année

@Pseudo trop débile
Il est précisé dès le début de l’article que The Thing de Carpenter est une nouvelle adaptation du roman et non pas un remake
Faut apprendre à lire et réfléchir avant de parler

Pseudo très badass
Pseudo très badass
il y a 1 année

mdr l’article croyant faire découvrir que the thing est en fait un remake XD vous l’avez découvert que maintenant XD