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En eaux très troubles : comment Jason Statham, des requins et la Chine ont tenu tête à Barbenheimer

Par Mathieu Jaborska
12 novembre 2023
MAJ : 8 décembre 2023
En eaux très troubles : comment  Jason Statham, des requins et la Chine ont tenu tête a Barbenheimer

The Meg 2 : The Trench, a.k.a En eaux très troubles, a défendu son bifteck au box-office de l'été 2023 face à Oppenheimer.

C'est techniquement l'un des films de requin les plus chers de l'histoire et il est sorti face aux plus gros mastodontes de l'été. Le pourtant bien pété En eaux très troubles avait la lourde tâche de grignoter une concurrence féroce, composée de biopics prestigieux et de marques surpuissantes. Et bien qu'il ne soit pas parvenu à égaler l'exploit de son aîné, il a à peu près tenu le coup à la fin d'un été hollywoodien meurtrier pour les blockbusters blindés de fric. Et c'est parce qu'il est très différent de ses rivaux.

 

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Grosses dents, gros budget

Fut un temps, les productions sino-américaines proliféraient pendant l'été. L'importance du marché chinois, potentiellement très lucratif, poussait les investisseurs hollywoodiens à travailler directement avec leurs homologues, afin de contourner le système de quotas local. Depuis, la manne s'est tarie et les productions du genre se sont raréfiées. The Meg 2 est néanmoins l'une d'entre elles, anachronique coproduction dont on connait, grâce à un article de Collider, les détails généraux du plan de financement.

En tout, le film aurait coûté 129 millions de dollars, soit pile un million de moins que le premier, bien que des estimations antérieures à sa sortie évoquaient vaguement 185 millions, montant assez improbable pour une production de cette trempe. Une somme fournie par plusieurs studios américains, mais surtout chinois, dont majoritairement CMC Pictures, avec l'espoir qu'il séduise donc les publics des deux pays. D'où la présence au casting de Jing Wu, comédien extrêmement célèbre à l'affiche de moult superproductions, dont les deux The Wandering Earth, colossaux succès de CMC.

 

En eaux (très) troubles : photoWu Jing, dont l'expérience était censée garantir le respect de la culture chinoise

 

La distribution principale, constituée entre autres de Cliff Curtis, Shuya Sophia Cai et Page Kennedy, aurait selon Collider coûté à peu près 40 millions de dollars, dont probablement 20 millions ou plus sont allés dans la poche de la star 300 millions de dollars d'Indiana Jones 5, il fait presque figure de petit joueur.

C'est sans compter bien sûr sur le marketing, qui fait comme d'habitude gonfler la note. Collider avance pour la campagne promotion bien bourrin d'En eaux très troubles une fourchette allant de 65 à 100 millions de dollars, soit moins que le budget de production, ce qui n'est pas toujours si commun. L'addition monte grosso modo jusqu'à 230 millions de dollars maximum. Il lui faudrait approximativement cette somme pour permettre aux investisseurs chinois et américains de rentrer dans leurs frais. Et il y a fort à parier qu'il a à peu près réussi son coup.

 

En eaux très troubles : photo, Wu JingLe saut de la foi

 

En eaux internationales très troubles 

À la fin de son exploitation en salles, The Meg 2 avait cumulé 82,6 millions de dollars aux États-Unis, mais 395 millions dans le monde. La stratégie a plus ou moins fonctionné : il a marché en Chine, au point d'y être largement plus populaire que chez l'Oncle Sam, avec 118,7 millions de dollars de recettes. À ce jour, il reste le deuxième plus gros film américain sur ce territoire en 2023, derrière Fast X, mais loin devant Transformers 5, Les Gardiens de la Galaxie 3 ou même Avatar 2. Une réussite relative et somme toute assez logique.

Le 4 août, un article de Variety révélait que le long-métrage est moins une co-production sino-américaine qu'un pur produit chinois. "On contrôle 100% de la licence, c'est notre franchise et on est responsable des arrangements commerciaux avec nos partenaires Warner Bros", y précisait la grande patronne de CMC, Catherine Ying Xujun. Une stratégie rare, tandis que la course aux capitaux chinois des années 2010 (rappelez-vous La Grande Muraille...) est presque terminée. En fait, en tant que distributeur, Warner ne joue ici presque qu'un rôle d'intermédiaire pour le public américain. Et si d'ordinaire, il convient de privilégier le box-office domestique US, ici le score chinois est primordial.  

 

La Grande Muraille : Photo Matt DamonLa Grande Muraille, tentative bancale de coproduction sino-américaine

 

Avec cette donnée en tête, on peut constater, premièrement, qu'il s'agit d'un petit succès, détrônant même le jour de sa sortie en Chine le champion du box-office local, la superproduction Creation of the Gods, après deux semaines de règne. Voilà qui a compensé le démarrage américain et ses 30 millions de dollars. Finalement, c'est bien la Chine et les autres pays qui ont fait fonctionner En eaux très troubles, avec une participation non négligeable de la et son 1,6 million d'entrées.

Toutefois, si CMC et ses partenaires ont probablement eu un retour sur investissement, ils auraient pu espérer plus. Le premier volet avait lui amassé 529,2 millions de dollars dans le monde, dont 145 millions sur le territoire américain et 153 millions en Chine. C'était ce bilan beaucoup plus équilibré qui avait poussé CMC à retenter l'expérience, cette fois avec les directives de consultants, lesquels ont conseillé d'augmenter le bestiaire et d'explorer les abysses plus longtemps. La véritable identité du film, pourtant vendu au public occidental comme un blockbuster hollywoodien lambda, lui a cependant permis de er outre une très grosse concurrence.

 

En eaux troubles : Photo Jason Statham, Bingbing LiToujours le plus gros succès pour un film de requin (hors inflation bien entendu)

 

Contourner Berbenheimer par la Chine

En eaux très troubles est donc un blockbuster chinois maquillé en tentpole hollywoodien. Et c'est cette particularité qui l'a empêché de se casser les dents comme nombre de ses camarades. Les échecs d'Indiana Jones et Mission : Impossible ont prouvé que les budgets a plusieurs centaines de millions de dollars ne garantissaient rien. Mais même des films aux moyens un peu moins importants comme La Maison hantée de Disney (150 millions), sorti la semaine précédente, se sont vautrés.

En misant sur le box-office chinois et international, Warner et CMC ont limité la casse causée par le phénomène de l'été : Barbenheimer. Outre-Atlantique, les mégalodons ont forcément souffert de la présence dans les multiplexes de Barbie et Oppenheimer, les deux grands gagnants de la saison. Le 4 août, ils étaient à leur troisième semaine d'exploitation et continuaient d'encaisser les billets verts.

 

Barbie : photo, Margot RobbieBilan : 1,4 milliard de dollars

 

Barbie (une franchise... Warner) ne leur a d'ailleurs pas cédé sa couronne, puisqu'il est resté en tête du box-office ce week-end-là avec 53 millions de dollars. Oppenheimer s'est placé juste derrière En eaux très troubles avec 29,1 millions de dollars. À eux deux, ils amassaient déjà à l'époque presque 700 millions. Même Jason Statham n'y pouvait rien.

En Chine en revanche, le 4 août, Barbie était relégué à la 6e place du classement avec 2,1 millions de dollars de recette. En tout, il avait cumulé 31,6 pauvres millions de dollars. Quant à Oppenheimer, il lui fallait encore attendre quelques semaines avant de débarquer dans le circuit de distribution chinois. The Meg 2 est parvenu à contourner Barbenheimer, contrairement à Ninja Turtles : Teenage Years par exemple, sorti le même jour et resté sous le million de dollars de recette en Chine.

 

Ninja Turtles Teenage Years : photoUn score décevant, à cause de Barbenheimer et de la grève

 

Plus globalement, ce statut très particulier lui a permis d'esquiver un peu le tumulte hollywoodien de la période. La grève des acteurs de la SAG-AFTRA, qui a largement porté préjudice aux Tortues Ninja, a empêché Statham de participer à la promotion. Toutefois, la superstar Wu Jing a pu se confondre en interview dans son pays, y renforçant encore plus sa popularité.

On a souvent évoqué les incertitudes d'une sortie hollywoodienne en Chine, mais à l'été 2023, elle a évité à l'un des blockbusters les plus incertains du moment une déculottée. Et si la suite logique de l'explosion des superproductions chinoises, qui s'incrustent désormais régulièrement parmi les plus gros succès de l'année (Mǎn Jiāng Hóng est à 673 millions de dollars) était la conquête subtile d'un Hollywood en train de se cannibaliser ? Peut-être la confirmation viendra-t-elle d'un hypothétique The Meg 3.

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Ringo
Ringo
il y a 1 année

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Alucard : et il a coûté bien plus cher (pour un résultat pas folichon au regard des précédents). Tout est relatif. Je ne suis pas allé voir le Requin au vu des critiques mais je me suis déplacé pour voir MI7, et suis sorti vraiment très déçu (comme souvent maintenant au cinéma cela dit). Cruise devient trop mégalo. J’aimerais connaître le budget exact des scènes qu’il a répété 1000 fois pour un résultat finalement médiocre. Il en était tellement fier de sa scène de moto que tout le monde la connaissait par cœur avant de voir le film. Plouf pour moi et descente au cœur de l’ennui et de l’ego d’un acteur qui ne sait plus prendre le risque de se mettre entre les mains d’un véritable réalisateur, qui « oserait » lui dire quoi et comment faire.

ALUCARD
ALUCARD
il y a 1 année

Ce serait plutôt Mission Impossible qui a tenu tête à Barbenheimer, mieux il a rapporté bien plus qu’En eaux très troubles.