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Oui, Titanic c’est génial, mais James Cameron a tout piqué à ce chef-d’œuvre oublié

Par arnold-petit
10 octobre 2023
MAJ : 20 novembre 2024
Atlantique, latitude 41° : autre film Titanic Cameron

En plus d’être la version la plus réaliste du naufrage du Titanic, James Cameron pour son film.

Titanic de James Cameron est un film exceptionnel, et ce n’est pas pour rien qu’il a remporté onze Oscars en 1998 et trôné au sommet du box-office mondial pendant une dizaine d’années. Mais bien avant l’histoire de Jack et Rose, un autre film a raconté le célèbre naufrage du Titanic avec une exactitude et une émotion encore jamais vues : Atlantique, latitude 41° de Roy Ward Baker.

Avec autant de minutie que de sensibilité, le film raconte les dernières heures du navire et de ses occupants dans une représentation grandiose, mais toujours réaliste de la catastrophe. Et s’il existe désormais dans l’ombre de son grand frère, ce classique mérite d’être redécouvert pour la prouesse technique et historique qu’il représente, mais aussi pour tout ce que James Cameron lui a volé.

 

Atlantique, latitude 41° : photo De retour sur le plus célèbre navire du monde

 

Les fantômes du é

Le succès phénoménal du film Titanic a largement ravivé l'intérêt pour le paquebot et sa disparition dans la nuit du 14 au 15 avril 1912. Mais si le naufrage du RMS Titanic est tellement connu aujourd'hui qu'il relève plus de la culture populaire que de l'Histoire, c'est avant tout grâce à Walter Lord et son livre La Nuit du Titanic (A Night to en version originale, qui donne son titre au film de Roy Ward Baker).

Avant la publication de ce récit documentaire en 1955, ce que la plupart des gens connaissaient du Titanic provenait des premiers reportages et des articles publiés à l'occasion des anniversaires du naufrage. Lord, en s'appuyant sur des documents historiques et les témoignages d'une soixantaine de survivants qu'il a rencontrés, a été le premier à fournir un compte-rendu complet et précis de ce qui s'est é cette nuit-là. En moins de cent cinquante pages, l'auteur expose avec précision les évènements qui ont conduit au naufrage de ce navire réputé "insubmersible" et relate la tragédie minute après minute en détaillant le sort de certains agers et membres d'équipage.

 

Atlantique, latitude 41° : photo Panique à bord

 

Quand le réalisateur Roy Baker et le producteur William MacQuitty découvrent par hasard le livre de Lord, les deux hommes projettent de l'adapter avec autant de précision et de rigueur. MacQuitty, né à Belfast, avait assisté au lancement du Titanic dans sa ville natale en 1911 et à son départ inaugural pour New York en avril l'année suivante, ce qui avait fait naître en lui une certaine fascination pour le paquebot.

Sur les conseils de Baker, le producteur confie l'écriture à Eric Ambler, un auteur avec qui le réalisateur avait tourné des films pendant la Seconde Guerre mondiale et son premier long-métrage, L'Homme d'octobre, en 1947. Comme Ambler et Baker, MacQuitty avait lui aussi travaillé sur des documentaires et des films destinés aux troupes pendant la guerre, et cette expérience commune explique en partie cette volonté de traiter la catastrophe sur le mode documentaire.

 

Atlantique, latitude 41° : photo Charles Lightoller, héros malgré lui du film

 

En plus de baser le scénario sur le livre de Lord et d'engager l'auteur en tant que consultant, Baker et MacQuitty rencontrent aussi des survivants du Titanic, qui serviront ensuite de conseillers techniques. Parmi eux, le quatrième officier Joseph Boxhall, les agers Edith Russell et Lawrence Beesley, et Sylvia Lightoller, la veuve de Charles Lightoller, officier en second interprété par Kenneth More dans le film.

S'il est le seul à être mentionné au générique, Lightoller n'est pourtant qu'un visage parmi les autres figures historiques du Titanic qui apparaissent dans le film, comme Thomas Andrews (Michael Goodliffe), l'architecte du navire, l'insubmersible Molly Brown (Tucker McGuire) ou le capitaine Edward Smith (Kenneth Griffith).

 

Atlantique, latitude 41° : photo Le capitaine Smith avec les opérateurs Jack Phillips et Harold Bride

 

Le récit ne suit aucun personnage en particulier. Le protagoniste est le navire dans son ensemble, et le  long-métrage, comme le livre, tire d'abord son efficacité de son réalisme et de sa capacité à raconter l'histoire du Titanic sans essayer de la dramatiser. L'utilisation d'images d'archives (notamment au début avec le lancement du Titanic, récréé avec celui du Queen Elizabeth en 1938) renforce d'ailleurs ce sentiment d'authenticité et le caractère historique que prend parfois le film.

Si certains faits ont été nuancés depuis et que la découverte de l'épave du Titanic en 1985 a permis de prouver que le navire s'était bien brisé en deux au lieu de couler en un seul morceau comme le montre la fin, Atlantique, latitude 41° reproduit la tragédie avec un tel degré d'authenticité qu'il reste, à quelques détails près, la meilleure représentation de la catastrophe du point de vue historique.

 

Atlantique, latitude 41° : photo La salle des chaudières, une des premières à se retrouver sous l'eau

 

La fin d'une époque

En ant d'un ager à un autre, Atlantique, latitude 41° présente le Titanic comme un microcosme de la société de l'époque : dans le nid-de-pie, les vigies scrutent l'horizon à la recherche de la glace ; dans les entrailles du navire, les machinistes transpirent pour alimenter les chaudières servant à alimenter les deux énormes turbines ; et entre les deux, la vie de chaque classe de agers est décrite avec la même empathie. Même les personnages qui ne sont pas à bord, comme les occupants du Carpathia et du Californian, ont le droit au même traitement que les autres.

En faisant du paquebot l'objet central du récit, le film rappelle à quel point le Titanic était un parangon de technologie et de luxe, mais surtout, que sa collision avec l'iceberg résulte d'une conjonction d'évènements et d'erreurs humaines qui se suivent comme des fatalités : les avertissements des autres bateaux ignorés par le capitaine, les opérateurs surmenés par les messages futiles à envoyer, les marins qui voient l'iceberg trop tard... Tout se déroule très vite, et le film suit la catastrophe à travers une succession d'anecdotes individuelles, jusqu'à leur conclusion implacable et attendue.

 

Atlantique, latitude 41° : photo L'instant fatidique où Thomas Andrews comprend que tout est fini

 

Il y a les réactions ahurissantes de certains agers, convaincus d'être plus en sécurité sur le navire en train de couler que dans un canot de sauvetage. Il y a les décisions étrangement révélatrices, comme cette femme qui quitte sa cabine et y retourne pour aller chercher son porte-bonheur en laissant ses bijoux.

Pêle-mêle, le film montre des scènes emblématiques de panache et de dévouement, mais aussi de lâcheté, comme Benjamin Guggenheim qui enfile son plus beau costume en queue de pie pour mourir habillé en gentleman, ou J. Bruce Ismay qui sauve sa vie en grimpant dans un canot au dernier moment. Avec autant de beauté que d'effroi, le film e du désarroi des agers de troisième classe abandonnés dans l'entrepont à la tranquillité d'une mère qui borde calmement ses enfants dans leur cabine.

 

Atlantique, latitude 41° : photo Pris au piège

 

Des agers sans nom font face à la calamité avec courage ou regret tandis que l'équipage continue de travailler et d'appliquer les ordres jusqu'au bout. Au plus près des agers, le film capture parfaitement le laxisme et l'orgueil de la bourgeoisie, mais aussi la dignité et le courage de certains. Ces images (comme ce père qui apprend la vérité de la part du concepteur du navire et qui rassure sa femme et ses enfants avant de les laisser sur le pont) sont montrées avec une combinaison si rare de délicatesse et d'émotion qu'elles méritent d'être qualifiées d'inoubliables.

Plus qu'aucun autre film sur le Titanic, Atlantique, latitude 41°  est une parfaite illustration de la chute de la société occidentale du XIXe siècle. Alors que s'étalent l'arrogance des privilégiés et la confiance aveugle dans le progrès, les pauvres et les immigrants de troisième classe sont retenus prisonniers dans les étages inférieurs du navire en train de sombrer. Cette différence flagrante entre les classes, oubliée au profit de l'histoire d'amour par Cameron dans Titanic, symbolise un peu plus combien la tragédie du Titanic marque la fin d'une ère vouée à disparaître et annonce la suivante avec le début de la Première Guerre mondiale deux ans plus tard.

 

Atlantique, latitude 41° : photo Allégorie d'un monde qui coule


UN MONUMENT DE CINÉMA

Si Atlantique, latitude 41° fait preuve d'une exactitude historique remarquable, le film reste également impressionnant pour la qualité de sa production et de ses effets spéciaux. Les décors ont tous été construits à partir des plans originaux du Titanic et, comme James Cameron, Roy Ward Baker a utilisé une astuce de mise en scène pour pouvoir représenter entièrement le navire : la façade et les intérieurs du Titanic ont été entièrement recréés sur le RMS Asturias, mais le côté bâbord du paquebot ayant été démoli, MacQuitty a donc demandé à peindre le côté tribord aux couleurs du Titanic et Baker a ensuite utilisé des miroirs pour tourner les scènes à bâbord.

Pour combler les limites de l'époque, le réalisateur s'appuie sur des effets simples pour rendre compte de l'ampleur des évènements. Tout au long du film, la caméra reste horizontale ou oscille légèrement pour reproduire le mouvement de la houle, et Baker insère des plans sur des objets immobiles, comme un cheval à bascule ou un chariot à roulette. Plus tard, tandis que les décors s'inclinent grâce à des vérins hydrauliques et que l'atmosphère e de l'inquiétude au chaos total, ces mêmes objets réapparaissent pour rouler dans un mouvement inquiétant qui représente merveilleusement la rapidité du naufrage et la perte de repères des agers.

 

Atlantique, latitude 41° : photo Le Titan vaincu par la nature

 

Les effets ne prennent jamais le pas sur la tension ou la tragédie, mais la reconstitution du paquebot et du naufrage constitue une prouesse technique saisissante encore aujourd'hui, notamment l'image du Titanic incliné sous les yeux des survivants dans les canots. Dans les derniers instants, ces silhouettes et ces visages entraperçus plus tôt dans les couleurs du paquebot dégagent soudain une émotion palpable et déchirante alors qu'ils font face à la mort. 

Peu d'autres films peuvent dépeindre avec autant de force la banalité et l'absurdité de l'être humain, la folie de la panique absolue ou la lutte égoïste pour la survie, et ce n'est pas pour rien que James Cameron a allégrement pioché dedans.

 

Atlantique, latitude 41° : photo L'orchestre dévoué et touchant qui joue jusqu'au dernier moment

 

Au-delà des similitudes autour du Titanic et des personnages historiques présents dans les deux films, le réalisateur a repris plusieurs personnages, dialogues et séquences d'Atlantique, latitude 41° à l'identique dans Titanic : la fête irlandaise avec les agers de troisième classe, la scène où Andrews explique l'étendue des dégâts au capitaine Smith, le montage alterné entre l'appel respectueux des nantis et le réveil brutal des plus pauvres, le traitement de l'orchestre, le sort du capitaine Smith, ou encore l'image de Thomas Andrews qui attend devant la cheminée de voir son chef-d'œuvre. Même le plan anodin de cette petite qui regarde la fusée de détresse comme un feu d'artifice se retrouve dans les deux films.

 

Atlantique, latitude 41° : photo Un plan repris dans les moindres détails dans Titanic

 

L'influence d'Atlantique, latitude 41° se remarque tout au long de Titanic, et il est assez amusant de voir que certains choix de James Cameron au niveau des dialogues ou de la mise en scène, toutes ces petites décisions qui font de son film ce qu'il est, sont en fait directement tirés de ce vieux classique. Pour sa fidélité historique, sa vision profondément humaine et dramatique de la catastrophe, mais aussi pour tout ce qu’il a apporté au Titanic de Cameron, Atlantique, latitude 41 reste un sommet de film catastrophe et un film essentiel sur le Titanic, préférant se concentrer sur la réalité historique et tragique du naufrage pour laisser à d'autres les histoires d'amour et de diamants disparus sous l'eau.

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Hugo Le Blaireau
Hugo Le Blaireau
il y a 1 année

Au delà de ce film, la carrière du réalisateur, Roy Ward Baker, est assez ionnante et assez méconnu en . Enfin le cinéma britannique de l’époque n’a pas à rougir face aux autres cinéma nationaux et j’avoue bien que Truffaut a un peu fais n’importe quoi en clouant au pilori ce cinéma pour mieux mettre en avant Hitchcock.

ClemR
ClemR
il y a 1 année

L’art se nourrit de l’art, c’est un fait vieux comme le monde.

Franken
Franken
il y a 1 année

Cameron ne l’a jamais caché. Ce film ainsi qu’un autre qui m’échappe pour le moment ont été ses références.
Comme il l’a déjà dit en interview, il adore tellement certaines scènes de ce film qu’il les a simplement recopiées.

Eusebio
Eusebio
il y a 1 année

J’ai vu ce film il y a quelques années, et j’ai été choqué. Certains plans sont de « sacrées références », si on le dit gentiment… des « copié-collé » si on le dit objectivement.
L’impression d’avoir été trompé, comme quand j’ai découvert que John Williams s’était « inspiré » du travail de Holst ou de Korngold…
Ça n’enlève rien à leur excellent savoir-faire, mais ça me hérisse le poil d’entendre parler d’eux comme de « génies », de « créateurs », alors qu’ils ne sont que des eurs d’un savoir-faire qui a existé bien avant eux.

zetagundam
zetagundam
il y a 1 année

James Cameron qui se serait inspiré d’autres oeuvres ? Impossible !

@tlantis
@tlantis
il y a 1 année

Vu un peux avant celui de Cameron j’avais trouver super et déçu du manque de créativité de Cameron en ayant pour moi a l’époque copier ce film oublier