Ivan Reitman, le film où l'acteur de Terminator a montré qu'il pouvait être drôle.
Arnold Schwarzenegger s'est fait un nom grâce à son physique herculéen qui en a fait l'incarnation du parfait héros d'action des années 80, mais l'acteur musculeux à l’accent autrichien possède aussi un talent comique que personne ne soupçonnait, jusqu'à ce qu'Ivan Reitman, le réalisateur de Ghostbusters, le fasse ressortir dans Jumeaux à partir d'une idée aussi géniale qu'insensée, qui en fera un succès et une comédie culte : et si Arnold Schwarzenegger et Danny DeVito jouaient des frères jumeaux ?
"Seule leur mère peut les différencier"
I'LL BE BACK
En 1985, après sa révélation dans le rôle de Conan et le succès de Terminator, Arnold Schwarzenegger enchaîne en tournant dans le nanardesque Commando et s'impose déjà comme une icône du cinéma d'action américain. Mais l'homme le plus fort du monde en a assez de mettre ses énormes muscles à profit pour jouer les machines à tuer. Conscient qu'une partie du public n'aime pas les films d'action et qu'un film plus familial lui permettrait de toucher un autre registre, mais aussi plus de spectateurs, il rêve depuis plusieurs années de jouer dans une comédie.
Seulement, avec son sens de l'humour plus européen qu'américain et son débit et son sens de la répartie encore bancals, l'ancien culturiste sait qu'il lui reste du progrès à faire s'il veut que les producteurs perçoivent son potentiel comique.
Arnold Schwarzenegger peut sourire et le prouve
Lors de sa soirée de fiançailles avec Maria Shriver, il fait la rencontre de Milton Berle, humoriste et comédien octogénaire devenu une star de la télévision avec ses deux shows, The Texaco Star Theater et le Milton Berle Show. Espérant en apprendre plus sur la comédie et la façon de faire rire, il traîne régulièrement avec lui et d'autres comiques, comme Sid Caesar et Rodney Dangerfield, et fréquente le Friars Club à Berverly Hills, un club privé fondé par Berle où se retrouvent aussi de nouveaux talents comme Eddie Murphy ou Robin Williams.
Grâce aux enseignements de l'humoriste, qui devient son mentor, il développe son sens du timing et de l'absurde, apprend à raconter des blagues, jouer sur la finesse, ne pas trop en faire, et y prend tellement goût qu'il veut absolument jouer dans une comédie pour son prochain film.
Mais aux yeux des studios, personne ne veut voir un film avec Arnold Schwarzenegger s'il ne tire pas avec une énorme mitrailleuse ou s'il n'est pas en train de balancer un type du haut d'une falaise en lâchant sa plus belle punchline. Alors en attendant de trouver quelqu'un qui le laisse faire ses preuves, il joue dans Le Contrat, Predator, Running Man et Double Détente.
La solution viendra par hasard fin 1986 dans un chalet près d'Aspen, dans le Colorado. Alors qu'il est en vacances au ski avec sa femme, il croise Ivan Reitman sur le bord d'une piste et interpelle le réalisateur de Ghostbusters en lui disant avec son plus bel accent qu'il aurait pu tout à fait interpréter un des chasseurs de fantômes de son film.
Le soir, pendant qu'il dîne avec sa femme, Ivan Reitman, Robin Williams et leurs épouses, l'acteur ressort tout ce qu'il a appris auprès de Milton Berle et étale son savoir-faire en matière de jeux de mots, ce qui finit par convaincre le cinéaste, charmé par son intelligence et son humour, comme le racontera l'acteur dans sa biographie Total Recall : L'incroyable et véridique histoire de ma vie : "A la fin de la soirée, Ivan m’a regardé pensivement. « Tu sais, il y a en toi une certaine innocence que je n’ai jamais vue à l’écran. Et aussi un certain sens de l’humour. Je crois qu’Hollywood veut que tu restes catalogué héros de film d’action, mais ça pourrait être pas mal de te voir dans un rôle de costaud innocent. »"
À peine rentré en Californie, Schwarzenegger appelle Ivan Reitman pour lui proposer de travailler ensemble. Le réalisateur accepte aussitôt et demande à quelques scénaristes de lui présenter leurs pitchs. Will Davis et William Osborne, qui viennent fraîchement de débarquer à Hollywood (et qui écriront ensuite Arrête où ma mère va tirer !, ironiquement), lui proposent trois idées, dont une qui retient immédiatement son attention : l'histoire de jumeaux parfaitement différents, produits d’une expérience scientifique ayant pour but de concevoir l’être humain idéal.
D'un côté, Julius, le personnage que doit jouer Schwarzenegger, qui est grand, fort, intelligent, juste et profondément naïf, et de l'autre, le frère dont il part à la recherche, Vincent, un petit escroc colérique, vulgaire et manipulateur. Alors que les deux auteurs rendent une première version du scénario à Ivan Reitman, une note du réalisateur indique que Vincent doit être joué par Danny DeVito.
Une semaine après avoir fait la rencontre d'Arnold Schwarzenegger, Ivan Reitman avait croisé DeVito et imaginé le mettre à côté de l'athlétique Autrichien dans un film. A la différence de Schwarzenegger, la comédie était le terrain de jeu de Danny DeVito depuis un moment. L'acteur avait prouvé qu'il pouvait aussi être excellent dans le registre dramatique avec Vol au-dessus d'un nid de coucou, mais s'était surtout fait connaître pour ses rôles comiques, que ce soit dans la sitcom Taxi ou dans des films comme Tin Men, À la poursuite du diamant vert ou Mafia Salad.
Et encore une fois, la solution est venue toute seule : Schwarzenegger avait déjà rencontré l'agent de Danny DeVito, alors il l'a appelé pour proposer le rôle de Vincent à l'acteur, qui a lui aussi adoré l'idée. Timothy Harris et Herschel Weingrod, deux scénaristes en vogue qui ont écrit Un fauteuil pour deux et J'ai épousé une extra-terrestre, sont engagés pour réécrire le scénario et ajouter de l'émotion à l'histoire des deux jumeaux, qui prend définitivement forme.
Laurel et Hardy, mais frangins
Néanmoins, un problème de taille se pose : les trois hommes savent que vendre leur film par les voies traditionnelles ne sera pas possible en raison du budget exorbitant qu'il faudrait rien que pour leurs salaires, mais aucun d'eux ne veut accepter un plus petit cachet, de peur d'être en position de faiblesse lors de futures négociations.
Les trois hommes décident alors de er Tom Pollock, le patron d'Universal, pour lui proposer de faire le film sans toucher de cachet en échange d'un pourcentage sur les recettes finales (le box-office, les ventes et locations de vidéos, les projections dans les avions, etc.). Tom Pollock sait que le film sera un carton et préférerait leur payer un énorme cachet, mais finit par accepter le marché, de peur qu'un autre studio mette la main sur le projet en proposant davantage. Les trois hommes négocient un accord leur garantissant 37,5 % des recettes, dont 20% pour Schwarzenegger, et c'est comme ça que le projet peut démarrer.
VIENS AVEC MOI SI TU VEUX RIRE
Entouré d'Ivan Reitman, Danny DeVito, Kelly Preston et Chloe Webb, Arnold Schwarzenegger découvre une ambiance totalement différente de celle qu'il connaissait et se rend compte que tourner un film peut être marrant quand on n'est pas recouvert de boue au milieu de la jungle mexicaine.
Libéré du poids de la figure du héros d'action qu'il doit porter fièrement d'habitude, Schwarzenegger se transforme et apprend à se débarrasser de tout ce qu'il a appris en tant que culturiste et dans ses premiers rôles : le look austère, le ton dur de Conan, l'élocution mécanique et monocorde du Terminator... Il s'efforce à parler de façon plus douce, à articuler, à se déplacer de façon plus fluide et à ne manifester ni colère ni effort pour le rôle de cet homme parfait capable de parler une douzaine de langues et de soulever une voiture à mains nues.
Dès la première scène entre ces deux-là, la magie opère
Sur le plateau, Schwarzenegger se nourrit aussi de l'excentricité de son partenaire de jeu, qu'il décrit comme "un Milton Berle du cinéma" dans sa biographie, c'est-à-dire un homme "qui sait exactement comment utiliser sa voix, ses yeux et sa gestuelle" pour am la galerie. Entre deux prises, les deux acteurs fument des cigares, plaisantent, sympathisent, et cette alchimie qui se ressent aussi à l'écran constitue clairement une des forces du film.
Le concept de départ autour des jumeaux se perd dans des intrigues superflues avec des gangsters qui transforment une partie de l'histoire en film d'action, mais l'opposition entre les deux acteurs suffit largement à offrir de francs éclats de rire, et même quelques moments touchants. Que ce soit pendant leurs prises de tête, leurs scènes de mimétisme ou les situations rocambolesques qu'ils traversent, leur improbable duo porte le film de bout en bout.
Loin de l'image de la montagne de muscles indestructible qu'il avait entretenue jusqu'alors, l'acteur se permet de faire des choses inédites devant la caméra, comme chanter à tue-tête ou danser la valse, et dévoile un autre Arnold, plus sensible, plus délicat, tout simplement plus humain.
L'acteur réussit parfaitement à faire ressentir cette "innocence" qu'avait perçue Ivan Reitman en le rencontrant pour la première fois et dégage un charme désarmant en grand costaud gentil et naïf qui chante sous la douche, fricote pour la première fois avec une fille à trente-cinq ans et se raccroche coûte que coûte à son frère, la dernière famille qui lui reste.
Arnold Schwarzenegger peut sourire, et même danser !
Et si Arnold Schwarzenegger est aussi drôle qu'attachant dans ce rôle de Julius, c'est parce que ce géant blond un peu benêt qui déambule en shorts dans les rues de Los Angeles avec un air ahuri et qui découvre un monde totalement différent de celui qu'il a connu sur son île est exactement celui qu'il était quand il a débarqué d'Europe pour la première fois, comme il le raconte dans sa mini-série documentaire Arnold sur Netflix et dans sa biographie :
"J'ignorais ce qui m'attendait à Miami, et à mon arrivée il pleuvait des cordes. La ville était elle aussi impressionnante : les immeubles, les palmiers, mais également la chaleur d'octobre qui semblaient combler les gens de bonheur. Les quartiers touristiques qui vibraient au son de la musique latine m'ont enchanté. J'étais fasciné par le mélange de Latinos, de Noirs et de Blancs. J'avais cela dans le milieu du culturisme, mais jamais dans mon Autriche natale."
Arnold Schwarzenegger était Julius avant même d'être acteur ou Monsieur Univers, et c'est peut-être ça qu'Ivan Reitman a vu derrière cette force de la nature avec un accent à couper au couteau. Dans tous les cas, Jumeaux a changé la vie de Schwarzy : comme le réalisateur, l'acteur et Universal l'avaient pressenti, le film a été un des cartons de 1988, devant Piège de cristal, Beetlejuice ou Rambo III, récoltant près de 50 millions à domicile et plus de 216 millions au total.
Jumeaux a été le premier film de la carrière de Schwarzenegger à déer 100 millions de dollars au box-office et le juteux contrat conclu avec Universal sur les recettes du film lui a permis de gagner 35 millions de dollars, comme il le confie dans sa biographie (en précisant que ce n'est qu'une estimation, puisque les ventes physiques et les rediffusions à la télé continuent de lui rapporter de l'argent).
Coup de génie
L'immense succès du film a permis à Schwarzenegger de prouver qu'il pouvait jouer autre chose qu'une machine à tuer venue du futur ou un soldat impitoyable qui massacre violemment ses ennemis, et l'acteur l'a encore mieux exploité juste après avoir tourné Total Recall en retrouvant Ivan Reitman quelques années après pour Un flic à la maternelle, dans lequel il combine son sens de l'humour à son charisme et son allure autoritaire.
Son rôle dans Jumeaux a pu lui permettre de se détacher de l'image de surhomme dénué d'émotions qui lui collait à la peau et d'ainsi paver la voie pour tous les acteurs d'action qui ont eux aussi voulu s'essayer à la comédie par la suite : Sylvester Stallone (malheureusement pour lui) dans Arrête ou ma mère va tirer !, Vin Diesel avec Baby-Sittor ou The Rock avec Fée malgré lui. Tout ça en jouant le frère jumeau de Danny DeVito.
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super article
Schwarzy joue bien mieux la comedie dans un flic à la maternelle du même réalisateur tourné 2 ans plus tard , bien qu’il ait encore de serieuses limites de jeu,lol,
dans « jumeaux » Schwarzy joue tres mal,
mais son jeu d’acteur est tres bon dans True lies de Cameron, on ne le voit pas cabotiner,, dans le film « Junior » du même Reitman , je le trove tres bon, film tres sous-estimé , avec aussi de Vito, son jeu est incroyablement fin et nuancé, je troue que c’est sa meilleur perfo d’acteur( en Homme enceinte lol!)