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Rasta Rockett : c’est comme Rocky, mais sans Stallone et avec de la neige

Par Lucas Jacqui
19 mars 2024
MAJ : 24 mai 2024

Rasta Rocket, c’est un peu le Rocky du bobsleigh, en plus marrant.

Rasta Rockett : Affiche officielle

Rocky du bobsleigh, en plus marrant. Pourtant, à une époque, Disney ne croyait pas en son succès.

En 1988, les Jeux olympiques d’hiver sont marqués par la présence inattendue d’une équipe de bobsleigh jamaïcaine. Évidemment, personne ne mise une pièce sur eux, ce qui ne les empêche pas d’aller jusqu’au bout de la compétition. Cette histoire assez folle, Rasta Rockett de Doug E. Doug.

Pourtant, cette comédie sportive sortie en 1994 s’avère l'une des meilleures du genre, en plus d’être un long-métrage inspirant et sincère. Ainsi, au vu de son histoire devant la caméra comme dans les coulisses, on se risque à dire que Rasta Rockett a tout d’un Rocky en plus givré.

Rasta Rockett : photo, Doug E. Doug, Rawle D. Lewis, Malik Yoba, Leon RobinsonQuatre garçons dans le vent glacial

 

Rasta Rocky

Au début du développement du projet, autour de 1991, Rasta Rockett est pensé comme un drame sportif que doit réaliser Brian Gibson, l'homme derrière Poltergeist 2 et le biopic Tina. Mais à force de discussions et de réécritures, Blue Maaga (le titre initial) mute pour devenir une comédie. Désormais, c'est à Jon Turteltaub qu'incombe la réalisation. Avant ça, il a mis en scène des films mineurs, et dix ans plus tard il accouchera des deux Benjamins Gates. Du côté du producteur Disney, personne ne croit au long-métrage. Au point où il est d'abord envisagé de le sortir directement en VHS. Pour Entertainment Weekly en 2018, le cinéaste reviendra sur la position de la société de Mickey à l'époque :

"Il n'y avait aucun moyen de savoir que ce film bizarre sur des Jamaïcains, les sports d'hiver et avec Disney allait fonctionner d'une façon que les gens iraient le voir, et je pense que je croyais au film plus que Disney ne l'a fait. Ils ne savaient pas quoi en faire avant de l'avoir vu."

Heureusement, le légendaire John Candy flaire le potentiel de Rasta Rockett et insiste pour être dedans. Il est si convaincu de son succès qu'il pousse la production à être plus ambitieuse et à porter le projet sur les grands écrans. Auprès du casting principal, il joue carrément les coachs en donnant quantité de conseils pour être le plus authentique possible. Dans plusieurs entretiens, Rawle D. Lewis rappellera les mots de Candy durant le tournage :

"Écoutez, je suis du Canada. J'étais là. Ils ne savent pas ce qu'ils ont entre les mains. Ce truc va devenir énorme. Mais personne ne se rend compte parce que personne ne sait à quel point ça va être géant."

 

Rasta Rockett : photo, Doug E. Doug, Leon Robinson, John CandyL'un des derniers rôles du regretté John Candy

 

Et justement, pour Dawn Steel, la productrice, Rasta Rockett est son poulain. Très présente sur le tournage, peu importe s'il est en Jamaïque ou au Canada, elle va même diriger la seconde équipe pendant un temps – ce qui la dégoûtera de l'expérience. L'un des acteurs principaux, Malik Yoba, la décrit au micro de Empire comme la véritable championne de ce film. Mais pourquoi une telle ion à l'ouvrage ? Car quelque temps avant, elle a dirigé Columbia Pictures, avant de fonder Steel Pictures en partenariat avec Disney. Et Rasta Rockett est l'un de ses deux bébés, le second étant Sister Act, acte 2.

Du côté du casting, tous les acteurs afro-américains d'Hollywood ont candidaté pour être dans la bande amatrice de luge. Ainsi, Wesley Snipes a été envisagé lorsque Rasta Rockett devait encore être sérieux. Jeffrey Wright a également été pressenti un long moment pour être l'une des stars de l'aventure. Mais la personne la plus étonnante à avoir auditionné reste sans conteste le rappeur Tupac.

Finalement, les acteurs retenus sont des habitués des rôles secondaires. Pour eux, le projet charrie donc tous les espoirs de visibilité. D'ailleurs, Leon reconnaît avec humour en interview qu'à l'époque son plus grand succès est d'être dans le clip Like a Prayer de Madonna. Surtout, ce long-métrage est un formidable coup de projecteur sur la Jamaïque, une île avec laquelle les quatre comédiens ont tous un lien. De là, on peut établir des parallèles avec l'histoire de Sylvester Stallone et ses aspirations avec Rocky. Car son scénario de boxe cristallise lui aussi tous ses rêves de carrière, en plus de représenter son origine de travailleur pauvre. ‌

 

Rasta Rockett : photo, Doug E. Doug, Malik Yoba, Leonard Robinson, Rawle D. Lewis, John CandyLa Glissade Squad

 

‌fou Rire sous les tropiques

Avec son postulat de départ, Rasta Rockett a tout pour sombrer dans les stéréotypes racistes façon Christian Clavier Universe. Et les premiers à veiller à ce que l'histoire ne rabaisse pas la culture jamaïcaine, c'est le quatuor de têtes d'affiche. Tous ont à cœur de faire honneur à leur île et savent la valeur du film pour les locaux. C'est pourquoi on ne trouve d'ailleurs aucune référence à la drogue dans le métrage. Sur ce sujet, les comédiens se sont battus pour faire entendre leurs avis. Dans une interview solo donnée à Empire, Doug E. Doug reviendra sur une séquence que le casting a refusé de jouer :

"Alors, il y a eu cette scène dans laquelle Jon [Turteltaub] voulait que l'on donne un t à un bonhomme de neige, et on a mis en place une mini protestation. Jon était énervé qu'il y ait une mutinerie. Rétrospectivement, je pense qu'il pourrait ettre que nous nous en sommes bien sortis sans ça."

 

Rasta Rockett : photo, Malik Yoba, Doug E. Doug, Rawle D. Lewis, Leon RobinsonMad Max : Fury Road

 

En plus de ça, Rasta Rockett arrive à être une comédie rayonnante (bien aidée par sa bande-son dansante) dont le message et les personnages sont traités avec sérieux et respect. Certes, Sanka fait office de figure burlesque dans le groupe – Jerry Lewis est une référence évoquée par son interprète Doug E. Doug –, et les sessions d’entraînement où les accidents ne blessent jamais pourraient sortir d'un Tex Avery. Mais à côté de la préparation des champions façon Rocky sous les palmiers, ou de leurs moyens barrés d’amasser l’argent nécessaire pour partir, ce n'est jamais d'eux qu'on rit, mais de l'absurdité de l'entreprise dans laquelle ils se sont lancés.

Et si on ne se moque pas des héros, c'est parce que la réalisation de Jon Turtlaub ne nous y incite pas. Au contraire, celle-ci est la première à croire en ces athlètes qui n'ont clairement pas froid aux yeux. Par exemple, on peut citer le plan où ils révisent dans la baignoire qui en dit tellement sur leur ténacité, ou bien les séquences en bobsleigh.

Dans ces dernières, la mise en scène évolue à chaque descente, pour approcher peu à peu celle de la phase de glisse de l'équipe suisse. Cela permet de symboliquement figurer l'objectif sportif à atteindre puisque les Helvètes sont les meilleurs dans l'épreuve. Quand bien même les Jamaïcains n’atteignent pas un niveau olympique, cette progression est suffisante pour se voir à l'image. Lors de leur plus mauvais age, la caméra va d'ailleurs à peine se concentrer sur leur prise d'élan, tant les bobeurs ont raté cette étape. Et pour appuyer cette énergie, la musique de Hans Zimmer (oui oui) s'invite à la fête en étant aussi épique que solaire.

Rasta Rockett : photoSe mettre dans le bain

 

Victoire dans la loose

Quand Rocky, homme de la rue, se dévoue à un combat dont on sait qu’il ne sera pas vainqueur, sa détermination à croire qu’il peut réussir forge le propos du film. Et il en va de même pour Rasta Rocket. Pourtant le métrage veille à ne jamais vraiment représenter la pauvreté de la Jamaïque de laquelle émergent trois des quatre bobeurs, et n'illustre le racisme que par des remarques assez générales des rivaux suisses ou des commentateurs de l'épreuve. Cependant, tout cela reste présent dans l'aventure de ces champions.

 

Rasta Rockett : photo, Malik Yoba, Rawle D. LewisL'œil du tigre

 

En effet, inévitablement, le parcours de ces sportifs noirs dans une compétition monopolisée par les blancs traite de tous ces sujets sociaux. Dans ce milieu duquel les quatre Jamaïcains sont initialement rejetés par leurs pairs athlètes, et par l'institution olympique même, leur persévérance et l’acceptation de leur culture vont venir éclater les préjugés. Plus que de sortir des cases, ils vont en détruire les bords. Au final, cette note d'intention prend des proportions universelles sur la fierté de tous ceux qui se sentent insignifiants dans un environnement qui leur est étranger, voire hostile.

Avec ça, Rasta Rockett et Rocky se rejoignent jusque dans leurs fins. Peu importe la médaille, la dignité de tout tenter pour l’avoir compte plus, car la victoire est ailleurs. Ainsi le long-métrage de Jon Turteltaub n'hésite pas à déformer la véritable histoire pour octroyer plus de gloire aux sportifs, et donc plus de force à son propos. En effet, l’accident devient technique contre une erreur du pilote dans la réalité, et l’équipe profite d’une ovation enflammée contre quelques applaudissements discrets dans les faits. Ce succès d’estime efface la défaite sportive, à l’image d'un Rocky en sang, mais heureux dans les bras amoureux d’Adrian alors que Creed est annoncé champion en fond.

Rasta Rockett : photoTop 1 dans les cœurs


En revanche, contrairement à Rocky, dont la consécration des critiques et du public a propulsé la carrière de son interprète, Rasta Rocket reste le seul succès des quatre acteurs principaux. Néanmoins, en plus de faire un beau carton au box-office mondial avec 154,9 millions de dollars (pour 14 millions de budget), le métrage est également devenu instantanément culte.

Et cette réussite, la Jamaïque en a grandement profité en mettant en place un bar à thème qui diffuse le film en boucle, du merchandising et des visites touristiques des lieux de tournage. Quant à Doug E. Doug, Leon, Malik Yoba et Rawle D. Lewis, des années après, ils sont toujours reconnus dans la rue et interviewés sur leurs expériences. À côté de ça, Rasta Rocket sert en entreprise pour le team building, ou à but pédagogique dans les écoles et les prisons. Encore une fois, la victoire est ailleurs.

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OZiris46
OZiris46
il y a 1 année

@Pseudo1 : on l’a é à nos filles de 10 et 11 ans cet hiver, et la recette fonctionne toujours aussi bien aujourd’hui. Ce mélange de comédie loufoque et d’immense respect pour les sportifs crée toujours autant d’émotion, même si le film est un peu daté.

Hada
Hada
il y a 1 année

Le plus grand film de tous les temps après les Visiteurs.

Faurefrc
Faurefrc
il y a 1 année

Revu il n’y a pas si longtemps… Film sympa, feel Good mobile certes… mais assez daté et pas à se tordre de rire non plus. C’est ni un classique de Billy Wilder, ni un truc vraiment con et drôle façon Farrely…. Bref, un peu une mi-molle, pas déplaisante mais ça n’assure pas à 100%

Pseudo1
Pseudo1
il y a 1 année

Je confirme, clairement une des meilleures comédies jamais faites (et je pèse mes mots), avec en prime un doublage excellent. J’ai poncé la VHS étant gosse.

Punchlines sur punchlines, situations cocasses qui s’enchainent sans temps mort, vrais moments d’émotion, OST au top… La recette est pourtant simple, mais on en fait clairement plus des comme ça en effet.

Ce film me parait intemporel, mais je serais curieux de savoir si les gosses ou adultes qui le découvrent aujourd’hui l’apprécient autant que nous à l’époque.

BATMALIEN
BATMALIEN
il y a 1 année

Un des films de mon enfance ! Par contre, entre la mort du coach et les non-carrières des 4 bobeurs, je trouve le film quelque peu « maudit » pour son casting… Dommage.

ChrisPendragon
ChrisPendragon
il y a 2 années

Une sortie direct en DVD en 1994? Des précurseurs la firme aux grandes oreilles !

Plus sérieusement j’ai adoré ce film étant gosse, le genre de comédie qui ne se fait malheureusement plus.

Prisonnier
Prisonnier
il y a 2 années

Ciné, VHS, DVD. J’ai tout eu. Je kiffe ce film. Balance man

Flash
Flash
il y a 2 années

Vu au cinoche lors de sa sortie.
Un vrai « feel good movie», comme on en voit hélas de moins en moins.

Szalem
Szalem
il y a 2 années

Sanka, t’es mort?