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Rock Forever : encore un Tom Cruise Movie qui en dit long sur Tom Cruise

Par marvin-montes
3 janvier 2023
MAJ : 24 mai 2024
Rock Forever : Photo Tom Cruise

Et si on reparlait de la comédie musicale Rock of Age alias Rock Forever, avec Tom Cruise en superstar ?

Petit encart oublié parmi les caractères majeurs de la mythologie Cruisienne, symptôme d’un revival 80’s pas toujours du meilleur goût et plaisir semi-inavouable pour les amateurs de Hard FM, Rock Forever délivre pourtant bien plus que ce que ses atours de musical un brin opportuniste peuvent laisser paraitre.

Lorsque l’on évoque aujourd’hui le nom de la superstar Tom Cruise, il est plutôt simple d’énumérer les mastodontes qui émaillent sa prolifique carrière. Entre le tableau de chasse impressionnant de cinéastes utilisés pour propulser ses ambitions et les quelques oeuvres majeures ayant pour objectif premier de façonner sa légende, l’acteur-producteur s’adjuge une place atypique et quasiment sans égal au coeur de l’industrie hollywoodienne.

Pourtant, il existe un certain nombre de longs-métrages plus mineurs, que même le talent de l’orfèvre de la performance mégalomane n’a pu porter vers les cimes de la popularité. Rock Forever, comédie musicale dédiée à la grande époque du Hard FM, est à classer dans cette catégorie, quelque part entre Barry Seal : American Traffic et Night and Day.

 

Rock Forever : photoLa subtilité

 

THE FINAL COUNTDOWN

À l’entame de la décennie 2010, le fantasme idyllique et mercantile d’un retour à la pseudo-innocence des années 80 n’a pas encore envahi les salles obscures. Le Super 8 de JJ Abrams fait figure de coup isolé, Netflix et Stranger Things n’ont pas encore pris possession du petit écran, et le MCU n’est pas prêt à troquer son esthétique originelle contre des néons opportunistes. Cependant, alors que la tempête nostalgique qui secouera le septième art n’en est encore qu’à ses balbutiements, l’industrie du disque (et plus particulièrement du hard rock) vit déjà un tournant, voir un demi-tour.

Dès les années 2000, des groupes comme Steel Panther, Reckless Love ou encore Crazy Lixx font en effet leur apparition, sur le continent américain comme en Europe. Fans acharnés du rock radiophonique de la grande époque, ces musiciens font revivre, aussi bien au travers de leur musique que de leurs tenues de scène parfois improbables, l’héritage des monstres sacrés Bon Jovi, Def Leppard ou encore Motley Crue. Entre le pastiche involontaire et l’hommage sincère, la frontière est parfois ténue.

 

Rock Forever : photo, Julianne HoughVent de nostalgie

 

Toujours est-il que ce courant revival prend une certaine importance dans la sphère métallique, et le succès est au rendez-vous. Le 27 juillet 2005, le musical Rock of Ages donne sa première représentation au club King King sur Hollywood Boulevard. Le spectacle en deux actes imaginé par Chris D’Arienzo narre la destinée des employés et usagers du bar hollywoodien le Bourbon Room, sur une bande originale mettant en avant les titres iconiques de Poison, Europe ou Pat Benatar.

Le plébiscite est tel que le show sera transféré à Broadway quatre ans plus tard et terminera en 2015, après 2328 représentations, à la 29e place des productions ayant investi le plus longtemps les salles de la célèbre avenue. À l’image d’un certain Mamma Mia ayant cédé aux sirènes d’Hollywood quelques années plus tôt, Rock of Ages ne tarde pas à faire de l’oeil à l’industrie cinématographique. En 2012, Warner Bros et New Line Cinema s’emparent donc du phénomène, pour le meilleur, et parfois, pour le pire.

 


 

JUST A SMALL TOWN GIRL

Les premiers signes émanant de la production de Rock Forever (le titre du film en version française) ne sont pas des plus encourageants. Pour officier derrière la caméra, la Warner compte sur Adam Shankman. Le réalisateur, chorégraphe de métier (notamment pour Chic, Stevie Wonder ou l’épisode musical de Buffy contre les Vampires), compte notamment à son actif la direction de quelques épisodes de la série Glee et son remake gentillet du Hairspray de John Waters sorti en 2007. Un univers bien plus proche donc de l’exercice chorégraphique policé que de la débauche chaotique du Sunset Strip.

Le duo d’acteurs principaux annoncé confirme rapidement l’orientation future du long-métrage. Julianne Hough (qui incarne la jeune Sherrie) est une ancienne gagnante de la version américaine de Danse avec les stars précédemment à l’affiche de l’insipide remake de Footloose. Diego Boneta (interprète de Drew, le barman du Bourbon Room aux rêves de grandeur) émerge d’une carrière mexicaine d’acteur de telenovelas suivie d’une apparition peu remarquée dans la suite télévisuelle de Lolita malgré moi.

La curiosité du public est toutefois piquée lorsque le rôle de la superstar Stacee Jaxxx est finalement attribué à Tom Cruise. En 2012, l’acteur est de nouveau sur la pente ascendante après le succès de Mission : Impossible - Protocole Fantôme et semble se racheter une image suite à ses galères post-Guerre des mondes. Les noms de Catherine Zeta-Jones, Alec Baldwin, Paul Giamatti ou Mary J Blige terminent de remplir une pelletée de seconds rôles aux patronymes ronflants, emblèmes de la quasi-schizophrénie qui fait toute la complexité inattendue de Rock Forever.

 


 

HIT ME WITH YOUR BEST PLOT

Comme Mamma Mia, Rock Forever doit composer avec une contrainte de taille : celle de devoir contextualiser une sélection de titres (ici des succès notables du Hard Rock FM) préexistants, tout en faisant progresser son intrigue. ettons-le d’emblée: ce n’est pas de celle-ci qu’il faudra attendre de quelconques surprises.

Le film de Shankman brode autant que possible autour de ses numéros musicaux en dénouant les noeuds simples d’un déroulé au classicisme parfois effarant. Sherrie, jeune fille naïve et pleine d’espoir, déboule de l’Oklahoma dans la cité des anges, royaume de la débauche et du Rock’n’roll. Elle y rencontre rapidement Drew, Barman, mais surtout musicien frustré et phobique de la scène. Évidemment, ils tomberont dans les bras l’un de l’autre. Évidemment, ils atteindront leurs objectifs, et lorsqu’un malentendu manquera de dissiper leur idylle naissante, c’est à l’ombre du panneau Hollywood que les deux tourtereaux scelleront de nouveau leur affection, sur fond de build-up amenant à l’interprétation collégiale de l’hymne Don’t Stop Believing.

 

Rock Forever : photo, Julianne Hough, Diego BonetaLe niais ne meurt jamais

 

Rien de nouveau sous le soleil de Californie, mais les qualités de Rock Forever se trouvent ailleurs. D’abord, dans sa mise en scène, fruit de la collaboration entre Shankman et la chorégraphe Mia Michaels, précédemment aux commandes d’une tournée mondiale du Cirque du Soleil. Les numéros musicaux du film ne transcendent certes pas la discipline, mais n’oublient jamais l’immédiateté nécessaire au processus. L’introduction, plutôt réussie, en est le parfait exemple, lorsque la caméra se retourne pour laisser le Just Like Paradise de David Lee Roth se fondre dans le hit de Poison, Nothin’ but a Good Time, au moment où Boneta prends nonchalamment possession du cadre.

Scolaire, mais efficace, à condition toutefois d’être un tant soit peu sensible à l’habillage musical du long-métrage. De la même manière, Hit Me with your Best Shot (porté par l’enthousiasme communicatif de Catherine Zeta-Jones) ou Any Way You Want it, rythmé par les coups de talons des danseuses du Venus Club, font leur petit effet.

 

Rock Forever : photo, Catherine Zeta-JonesPresque comme Chicago

 

POUR SOME META ON ME

Finalement, ce n’est pas dans son enrobage esthétique satisfaisant que Rock Forever trouve le salut, mais plutôt dans son degré de lecture métafilmique, quasiment involontaire. Car derrière un couple principal qui peut enthousiasmer autant qu’exaspérer, se cache une légion de seconds rôles prestigieux prompts à apporter au produit final un caractère inespéré.

En tête de cette colonie d'apparitions de luxe, Tom Cruise, encore et toujours, domine le reste de la distribution de la tête et des épaules. Les yeux hagards, quasi mutique, mais en surjeu constant, l’icône des Mission : Impossible trouve en Stacee Jaxx le véhicule parfait de sa gloire un tantinet émoussée. Les abdos saillants, constamment dévêtu, le leader du groupe fictif Arsenal traverse l’écran en laissant derrière lui une trainée de charisme quasiment grotesque.

 


 

Alors que les fans s’évanouissent à son , les limites entre l’acteur et son personnage se brouillent sans cesse. Comme Jaxx, Cruise fait parfois figure de jukebox flirtant avec l’autoparodie en roue libre, et comme Jaxx, il s’affirme consciemment en tant que survivant d’une industrie en perpétuel changement, à l’heure ou les boys band empiètent sur le territoire du Hair Metal.

Mais surtout, à l’image de son personnage de demi-dieu du Glam Rock, le bon Tom semble toujours figé dans cet état de jeunesse éternelle, reflet des grandes années que l’on ne veut pas laisser derrière soi. Le contraste est d’ailleurs saisissant lorsque Cruise/Jaxx croise la route d’un Alec Baldwin portant sereinement et tout en bonhomie le poids des ans, dans son costume de patron de club en pleine acceptation de son homosexualité. Rarement un choix de casting n’aura semblé aussi pertinent, qui plus est au coeur d’une oeuvre aussi impopulaire.

Le retour en grâce du chanteur en fin de long-métrage, porté par le talent d’une nouvelle génération qui l’adule, pourrait même se prévaloir d’une valeur prémonitoire, tant la carrière de l’acteur n’en finira plus de redécoller par la suite. Enfin, la performance, apanage de l’icône Cruise, n’est jamais décevante. Dans une forme étincelante, le cinquantenaire interprète les succès de Bon Jovi ou Scorpions de manière très convaincante, aussi à l’aise devant son micro que sur les ailes d’un avion-cargo.

 


 

Derrière sa photographie générique et ses contours lisses, Rock Forever s’affirme en creux comme une véritable oeuvre bicéphale, et plus complexe qu’elle n’y parait. Abordé comme un divertissement efficace, le film d’Adam Shankman peut donc satisfaire sans réellement briller, comme en témoignent ses réceptions critique et publique. Mais dès lors qu’il cède la place à son attraction principale, le long-métrage se pare d’une tout autre symbolique, aussi vaniteuse qu’empreinte d’un recul désarmant. Un point d’ancrage méta dans la filmographie très méta de Tom Cruise, à ranger aux cotés d’un Edge of Tomorrow formellement plus réussi. C'est le paradoxe d’une oeuvre ée inaperçue, finalement aussi anodine que précieuse.

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Prisonnier
Prisonnier
il y a 2 années

D’accord avec Don Corleone.

Excellent film trop vite oublié. Sans doute justement qu’il sortait trop des films que les gens ont l’habitude d’imaginer avec Cruise. Et en plus il essayait de revenir petit a petit après ces scandales scientopalogique

corleone
corleone
il y a 2 années

Je suis définitivement devin et divin. Je penses à ce film depuis quelques jours et voilà qu’EL se penche dessus. Rock Forever un bijou é inaperçu pourtant si ionnant montrant une fois de plus la polyvalence d’un Tom Cruise habité. Merci Ecran Large.