Films

Miss Détective : comédie débile ou vrai plaisir coupable avec Sandra Bullock ?

Par Déborah Lechner
13 avril 2023
MAJ : 21 mai 2024
Miss Détective : photo

Retour sur Sandra Bullock qui casse des genoux en robe de soirée et talons hauts. 

Il était difficile de croire qu'en 2000, Sandra Bullock parviendrait à redynamiser sa carrière avec Miss Détective, une comédie basse du front sur une agente du FBI sarcastique et peu soucieuse de son apparence, qui se retrouve infiltrée dans un concours de beauté pour arrêter un terroriste. Et pourtant, même s'il n'a pas embrasé la critique à sa sortie, le film réalisé par Donald Petrie a été un joli succès commercial (avec sa suite obligatoire, Miss FBI : Divinement armée), prenant peu à peu le statut de petite comédie culte et savoureuse dont on aurait vraiment tort de se priver

 

photo, Sandra BullockAutant se faire plaisir

 

WIN-WIN

Le film a peut-être du mal à se démarquer des autres comédies américaines potaches dont il est un parfait prototype, mais il a tout de même été une belle aubaine pour le réalisateur Donald Petrie (Little Italy). Avec un meilleur marketing et une distribution plus confortable, cet habitué du genre a pu signer son premier et plus gros succès commercial (212 millions de recettes pour 45 millions de budget) après les déconvenues financières de Mon martien bien aimé, Richie Rich, The FavorLes grincheux ou encore Mystic Pizza.

Une opportunité également pour Sandra Bullock, qui tenait son retour sous le feu des projecteurs avec le personnage principal de Gracie Hart. Après s'être fait connaître du grand public dans l'incontournable Demolition Man aux côtés de Sylvester Stallone et avoir commencé à gravir les échelons d'Hollywood en donnant la réplique à Keanu Reeves dans Speed et à Bill Pullman dans L'Amour à tout prix, Sandra Bullock patinait un peu plus à partir de 1997 et du malencontreux Speed 2 : Cap sur le danger.

 

photo, Sandra BullockElle a changé Lenina Huxley

 

La suite du film d'action de 94, toujours réalisée par Jan de Bont, rencontre beaucoup moins de succès et amorce une fin de décennie compliquée pour l'actrice qui devenait pourtant bankable et identifiée par le grand public. Entre Ainsi va la vie où elle joue pour Forest Whitaker, Les Ensorceleuses où elle partage l'affiche avec Nicole Kidman, Un vent de folie avec Ben Affleck ou encore le flop 28 jours en sursis avec Viggo Mortensen, elle enchaîne les productions plus discrètes au box-office malgré le beau monde qu'elle côtoie sur les plateaux.

C'est donc en 2000 qu'elle retourne à l'affiche d'un carton commercial grâce à Miss Détective, qui lui permet également de reprendre sa carrière de productrice juste après le long-métrage Mafia Parano pour lequel elle est ée devant la caméra en compagnie de Liam Neeson. Elle retrouve pour l'occasion l'acteur Benjamin Bratt sept ans après Demolition Man où les deux incarnaient déjà un duo de flics comique.

 

photo, Sandra Bullock, Michael CaineSandra Bullock quand elle revient dans le game

 

LA NOUVELLE STAR

C'est un peu compliqué de défendre Miss Détective sur le fond ou la forme, étant donné que cette enquête vaguement policière et surtout complètement bateau tient à peine debout, tandis que Donald Petrie se contente de tenir la caméra entre ses quelques bonnes idées de mise en scène. En fait, le film aurait pu devenir une blague de mauvais goût oubliable s'il n'était pas parfaitement calibré pour Sandra Bullock, qui rayonne à l'écran et libère tout son potentiel humoristique, qu'on décelait déjà en 1993 dans Demolition Man.

Sandra Bullock ne tient pas le plus grand rôle de sa carrière, mais elle y croit à fond et se donne les moyens (elle a d'ailleurs réalisé ses propres cascades lors des scènes de baston), tout comme la doubleuse française Françoise Cadol qui livre une performance joviale en parfaite adéquation avec le personnage et la légèreté ambiante. Au-delà d'accaparer la lumière et de s'iconiser dans un rôle à contre-emploi, l'actrice a insufflé une part de sa bonhomie et de sa vitalité dans son incarnation de Gracie, donnant au film tout son charme et sa fraîcheur. Sa performance lui a d'ailleurs valu une nomination aux Golden Globes dans la catégorie meilleure actrice.

 

photoLa métamorphose

 

Si la majeure partie du casting secondaire ne brille pas particulièrement, le génial Michael Caine est quant à lui hilarant dans le rôle de Victor Melling, le coach en beauté narquois et pince-fesses qui permet à l'acteur britannique de laisser libre cours à son flegme naturel. En somme, Miss Détective a principalement de l'humour à revendre, en partie grâce à la dynamique entre Caine et Bullock, qui a offert quelques bonnes scènes et répliques cultes ("Je n'ai pas vu une démarche pareil depuis Jurassic Park", "Tu vois pas que j'glisse, CONNARD ?").

Loin du regard plus sombre et incisif de Belles à mourir (également sorti en 2000), le film de Petrie n'a pas pour but de livrer une satire tranchante sur les concours de beauté ou l'idéal féminin hypersexualisé des Américains. S'attarder sur le manque de cohérence, de surprise ou de crédibilité de l'ensemble n'est qu'un moyen de er à côté de la proposition second degré et du bon moment qu'il a à partager. Encore plus quand le film arrive à retranscrire l'univers de ce genre de compétition à travers les nombreuses robes, qu'on doit à la costumière Susie DeSanto, le rythme cadencé des défilés, les chorégraphies et effets scéniques ou encore la gestion en régie. 

 

photoFaudrait pas qu'elles aient chaud

 

UN MONDE EN PAIX

En pénétrant les coulisses de Miss USA, Miss Détective aurait pu se transformer en moquerie bête et méchante des concours de beauté, mais surtout de leurs candidates qu'il aurait pu dépeindre d'un bout à l'autre comme des pimbêches qui ont respiré trop de laque à cheveux (la misogynie, tout ça, tout ça). Mais le film leur accorde au contraire une bienveillance et une attention qu'on n'avait pas forcément vues venir, les rendant au final plus attachantes qu'agaçantes. 

Au début de l'histoire, Gracie Hart est probablement la plus dure envers les miss, qu'elle insulte et rabaisse fréquemment en se basant sur ses idées reçues et sur sa vision rigide de ce que doit être ou non une femme, jusqu'à ce qu'elle devienne copine avec tout le monde et arrête de les juger. C'est peut-être fait avec de gros sabots en occultant totalement la rivalité malsaine qui peut exister entre elles, mais un peu de douceur et d'utopisme dans ce monde de brute, on ne va pas cracher dessus (qui ne rêve pas d'un monde en paix ?).

 

photoTravail à la chaîne

 

Le film joue évidemment avec tous les clichés et lieux communs qu'il étale presque volontairement à la truelle, comme le fait de devoir souffrir, ne surtout pas rester naturelle et manger du céleri branche pour être belle et trouver l'amour. Le scénario de Marc Lawrence, Katie Ford et Caryn Lucas n'est pas l'étendard de grandes causes sociales et ne verse donc pas dans la dénonciation pure et dure, mais il pose malgré tout le doigt sur le virilisme crasseux des agents de police (voyeurs, moqueurs, libidineux et carrément sexistes), l'acceptation de l'homosexualité ou encore sur les injonctions de la beauté féminine occidentale, qu'il véhicule paradoxalement.

Plus que des jeunes filles qui viennent y chercher un idéal et un moyen de s'accomplir, ce sont surtout des organisateurs et de la machinerie de ces compétitions très artificielles dont se fout ouvertement le film. Il faut d'ailleurs écouter attentivement le discours enflammé de Stan Fields (William Shatner) pendant le couronnement musclé de Shirley (Heather Burns), en complet décalage avec le spectacle chaotique qui se déroule sur scène : "Flambeau de l'Humanité comme Lady Liberté, elle règne enfin sur la Terre [...] Portez votre couronne jusqu'au ciel, portez-la jusqu'au firmament !". On ne s'en lasse pas. 

 

photo, Heather BurnsLa grâce, la beauté, l'élégance et la distinction

 

Il ne faut donc pas penser qu'on peut simplement "poser son cerveau" devant Miss Détective, car cette comédie est beaucoup moins vide et générique que ce que l'affiche ou le scénario suggèrent. Sans prétention, il distille son message gentillet avec un humour aussi bien placé que les coups de poing de Gracie, en plus d'une Sandra Bullock irrésistible.

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Kojak
Kojak
il y a 2 années

Je res l’ensemble des avis. Avec comme d’hab’ un grand Michael Caine.

Harajuku
Harajuku
il y a 2 années

Plaisir coupable mais je ne m’en lasserai jamais 🙂

Merci Déborah pour le dossier ^^

L'autre
L'autre
il y a 2 années

plaisir coupable pour moi aussi!

Daddy Rich
Daddy Rich
il y a 4 années

Gros Gros plaisir coupable!
Mais je suis comme THX qui exprime le même ressenti que moi:
dès qu’il y a Sandra Bullock dans un film (même très mauvais…) je ne suis plus du tout objectif! 😉
J’ai toujours un immense plaisir à le revoir!

THX
THX
il y a 4 années

Plaisir coupable, définitivement … mais dès qu’il y a Sandra Bullock, je craque …

Sascha
Sascha
il y a 4 années

« Moi aussi je rêve d’un monde en paix, Tu ne vois pas que je glisse co****d, je suis ta princesse… »
Je voue un culte à ce film qui me fait toujours autant rire après autant de visionnages. Film culte à mes yeux

Marvelleux
Marvelleux
il y a 4 années

Film que j’apprécie, tournant en autodérision le postulat et les codes de la mode. Le premier est meilleur que le second.