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En pleine tempête : un modèle de film catastrophe, qu’il faut sauver

Par arnold-petit
16 avril 2023
MAJ : 20 novembre 2024

Entre drame historique et film catastrophe, En Pleine Tempête de Wolfgang Petersen demandait à ce qu’on le réhabilite un peu.

En pleine tempête : photo

L'eau n'est certainement pas l'endroit le plus propice au tournage d'un long-métrage (Poséidon.

Avant de réaliser sa propre adaptation du roman de En pleine tempête, un long-métrage autour de la véritable disparition de l'équipage du Andrea Gail et d'un sauveteur au milieu de la tempête d'Halloween 1991. Ça aurait été dommage de ne pas consacrer un dossier à ce film qui n'a pas été apprécié à sa juste valeur.

 

photoAlors qu'il y a même un requin

 

C'est pas l'homme qui prend la mer...

À la fin du mois d'octobre 1991, une des plus grandes tempêtes de l'histoire moderne a frappé le nord-est des États-Unis et une partie du Canada, causant des centaines de millions de dégâts et tuant 12 personnes. Parmi les victimes se trouvaient un plongeur de la garde nationale aérienne américaine ainsi que les six membres de l'équipage du Andrea Gail. Un bateau de pêche à l'espadon parti de Gloucester, une ville connue pour être le plus ancien port de pêche des États-Unis, où s'était installé le journaliste Sebastian Junger.

Après avoir assisté à la tempête depuis sa maison, il a rencontré les familles des disparus et a alors commencé à rédiger ce qui deviendra son premier livre avec une histoire autour de ces six marins, de leurs familles et de la vie de pêcheurs qu'ils menaient dans cette petite ville à la longue tradition nautique et halieutique. Grâce à des témoignages de leurs proches et des habitants de Gloucester, il retrace leur existence, leur parcours en mer, mais réunit aussi des rapports et des analyses d'experts concernant la formation de la tempête.

 

photoIl n'y a pas d'adieux, seulement de l'amour

 

Un cataclysme qui n'a jamais reçu de nom et sera connu plus tard comme The Perfect Storm ("La Tempête Parfaite" littéralement), d'après les termes utilisés par le météorologiste Robert Case face à l'auteur pour lui expliquer les conditions exceptionnelles ayant mené à sa formation : un cyclone extratropical qui a absorbé les restes de l'ouragan Grace et s'est ensuite changé en une gigantesque tempête, avec des vents d'environ 130 kmh/h et des vagues de 20 à 30 mètres au large.

Dès sa sortie, The Perfect Storm : A True Story of Men Against the Sea (traduit par La Tempête en ) devient un best-seller et certaines critiques vont même jusqu'à le comparer au Moby Dick d'Herman Melville. Quelques années plus tard, alors qu'il vient de boucler Air Force One, Wolfgang Petersen décide d'adapter le livre de Sebastian Junger au cinéma dans un film catastrophe qui n'en est pas vraiment un.

 

photo, Wolfgang PetersenJ'espère que t'as apprécié la chaleur du désert, George, avec moi c'est pas la même

 

FRÈRES D'ARMEs

De la même manière qu'il avait immergé le spectateur dans l'enfermement et l'angoisse du sous-marin aux côtés des soldats allemands dans Le Bateau, Petersen articule toute la première partie d'En pleine tempête autour de ces six marins-pêcheurs de Gloucester. Des types bourrus, peu instruits, qui ne peuvent pas avoir de vie de famille et vont risquer leur vie sur un bateau pendant un mois pour essayer de payer les dettes et ramener de quoi manger pour eux comme pour les autres, mais aussi parce qu'ils aiment la mer autant qu'ils la haïssent.

Un portrait réaliste et tragique de gens simples, réalisé avec une volonté sincère de rendre hommage à ces hommes disparus que la société avait déjà oubliés alors qu'ils en sont des éléments indispensables. Le film est d'ailleurs dédié aux 10 000 marins de Gloucester qui ont péri en mer depuis 1623.

 

photoParés pour la bataille

 

Dans sa quête d'authenticité, Wolfgang Petersen a tourné plusieurs séquences dans la petite ville du Massachusetts pendant deux semaines, en prenant soin de respecter la communauté, qui a dû revivre la tragédie devant les caméras. William Sandell, le directeur artistique (qui a aussi travaillé sur Total Recall, RoboCop et Master and Commander : De l'autre côté du monde), s'est appuyé sur l'expérience des habitants de la ville pour que les quais, le navire et les décors soient les plus réalistes possible et certains n’ont pas hésité à apparaître en tant que figurants ou conseiller le casting à bord du bateau.

Les acteurs ont également fait en sorte de s’imprégner de leurs personnages et de l'atmosphère locale. Quand il ne jouait pas au basket-ball devant sa caravane ou signait des dizaines d'autographes, George Clooney écumait les bars de la ville et discutait avec des amis de Billy Tyne, son personnage. De son côté, Mark Wahlberg, retenu surtout pour son accent de Boston, a côtoyé la famille de Bobby Shatford et s'est installé quelque temps dans sa chambre au-dessus du Crow's Nest, le bar dans lequel les marins vont se saouler à leur retour de pêche et où les proches se réunissent devant la chaîne météo à chaque orage.

 

photo, Diane LaneUne attente insoutenable

 

À ce niveau, le casting est remarquable : avec sa casquette vissée sur la tête et sa barbe négligée, George Clooney est un excellent capitaine et développe une alchimie particulière avec Mark Wahlberg. Les deux acteurs se retrouvaient à peine un an après Les Rois du désert de David O. Russell et la complicité qu'ils avaient développée sur le tournage a sans doute perduré dans la cabine du Andrea Gail.

Le reste de l'équipage n'est pas en reste non plus, avec William Fichtner, John Hawkes, Allen Payne et John C. Reilly, impeccables chacun dans leur registre, mais aussi Diane Lane, Janet Wright et Mary Elizabeth Mastrantonio, respectivement la femme de Bobby, sa mère et Linda Greenlaw, capitaine de pêche à l'espadon émérite qui deviendra l'auteure de plusieurs livres sur le sujet. Comme d'habitude, Michael Ironside est parfait dans son rôle du salaud de service qui a quand même le courage d'affronter le regard des proches quand il vient annoncer la disparition du Andrea Gail.

 

photoUn équipage qui ferait rêver n'importe quel studio

 

NOT ALL HEROES WEAR CAPES

Les séquences sur le bateau sont sensationnelles, avec des scènes de pêche désespérées ou exaltantes dans lesquelles les acteurs se débattent avec les animatroniques conçues par Walt Conti (Abyss, Peur bleue). La merveilleuse et entêtante bande-son composée par James Horner porte le film et ponctue leur expédition au gré des sentiments et des espoirs, tantôt épique, tantôt abattue, tandis que le film continue de dévoiler la nature de ce métier harassant et dangereux avec des ages qui ressemblent presque à des signes avant-coureurs.

Des avertissements qui prennent la forme d’un requin au bout d'une ligne, d’un homme qui e par-dessus bord après un moment d'inattention ou d’un bulletin météo peu rassurant...

 

photoOH HISSE ! OH HISSE ! OH HISSE !

 

Sur un rythme de croisière, la catastrophe se profile et c'est à ce moment qu'En pleine tempête bascule dans un terrifiant spectacle, mais alors que la tension monte et que la tempête se forme, le long-métrage prend une tout autre échelle.

Les pêcheurs ne sont plus que des personnages secondaires parmi d'autres et le scénario s'intéresse plus au cataclysme qu'à ceux qui essayent d'y survivre, en jonglant entre l'Andrea Gail, les gens coincés dans un bateau de plaisance et les sauveteurs et parachutistes qui tentent de les sauver. Des protagonistes à peine caractérisés, contrairement aux marins, mais auquel le film consacre pourtant autant d'attention (si ce n'est plus).

 

photo, Mark WahlbergMax Payne se cachait déjà là

 

Wolfgang Petersen amène différents points de vue de la catastrophe et continue de saluer l'héroïsme dont peuvent faire preuve ces hommes et ces femmes au péril de leur vie, mais le film perd tout son impact et cette ambiance claustrée qu'il avait pourtant brillamment installée. Et c'est d'autant plus dommage que les gardes-côtes et le Mistral (qui s'appelait le Satori) n'ont absolument aucun rapport avec la disparition du Andrea Gail dans les faits.

Pour essayer de renforcer encore un peu plus l'émotion, l'histoire originale a été retouchée (le personnage d'Irene a été rajouté, tout comme la rancune entre Murphy et Sully, le flirt entre Billy et Linda et l'appel de détresse qu'elle relaie). S'il avait uniquement concentré son action sur ces pêcheurs qui se dirigent vers la mort et tentent de lutter face à une des plus grandes forces de la nature, le film aurait sans doute été une merveille. Des familles ont d'ailleurs porté plainte contre Warner Bros. pour avoir utilisé les vrais noms des disparus et réécrit l'histoire, sans obtenir gain de cause.

 

photo, George ClooneyLe scénariste qui essaie de raccrocher les morceaux entre eux

 

DANS l'OEIL DU CYCLONE

Malgré ses défauts en termes de narration, En pleine tempête reste un drame poignant, mais aussi un film catastrophe saisissant. Les images conçues par ILM (qu'on ne présente plus) sont toujours aussi impressionnantes visuellement. Wolfgang Petersen capture la ferveur des acteurs au plus près d'eux  tout en dirigeant ce déluge spectaculaire d’une main de maître au niveau de la mise en scène et de la réalisation. Alors que ciel et mer ne font plus qu’un et que l’eau balaie les corps, le navire, et tout ce qui s'y trouve, une beauté funeste se dégage de ce chaos.

Les séquences dans la tempête ont été réalisées à l'intérieur du fameux plateau numéro 16 de Warner Bros. à Burbank, dans un immense bassin de 7 mètres de profondeur entouré d'un fond bleu sur lequel pouvaient ensuite être incrustés les effets spéciaux.

La réplique de l'Andrea Gail était placée sur un énorme cadran qui permettait de faire bouger le navire dans tous les sens, avec des cuves d'eau et d'énormes machines à vent installées tout autour. Un dispositif gigantesque, surplombé par des grues dirigées par John Seale, le directeur de la photographie connu aussi pour avoir été derrière la caméra sur Rain Man et Le Cercle des poètes disparus.

 

photo, George ClooneyJ'AI FROID, J'EN AI MARRE, JE VEUX RENTRER CHEZ MOI !

 

Même si les scènes de tempête sont une franche réussite, Alan Horn, fraîchement nommé président de Warner Bros. à l'époque, n'était pas convaincu par les premiers montages de la bande-annonce et réclamait quelque chose de marquant pour attirer les spectateurs en salles. Insatisfait, il a finalement débloqué un budget de 500 000 dollars pour un nouveau plan du bateau en train de défier la tempête. Une image qui est devenue l'affiche du film et le clou de la bande-annonce, mais aussi l'instant le plus mémorable des 130 minutes qui composent le long-métrage.

Mission accomplie. À sa sortie en juin 2000, En pleine tempête a été un carton. Après un meilleur démarrage que Gladiator de Ridley Scott ou The Patriot, le chemin de la liberté de Roland Emmerich, le film a rapporté plus de 182 millions de dollars à domicile et presque 329 millions à l'international, devant X-Men de Bryan Singer, le premier Scary Movie ou Charlie et ses drôles de dames. Le film a également été nommé aux Oscars dans les catégories meilleurs effets visuels et meilleur son (remportés tous les deux par Gladiator).

En revanche, les critiques sont bien moins enthousiastes, en particulier concernant le drame et les personnages. Le film est plus ou moins considéré comme une œuvre oubliable, rarement citée dans les meilleurs films catastrophe, alors qu’il ne se contente pas que de proposer des images prodigieuses.

 

photoSubmergé par les vagues numériques

 

En dépit de son genre et de son budget plus que conséquent (140 millions de dollars), En pleine tempête refuse de rentrer dans les codes classiques du film catastrophe. Alors que Sebastian Junger a été demander à des personnes ayant survécu à la noyade de lui décrire leurs sensations pour imaginer la mort des membres du Andrea Gail, Wolfgang Petersen préfère mettre de la distance et présente une mort digne, avec une dernière image de chacun des membres d'équipage et une pensée d'amour de Bobby pour sa femme.

Contrairement aux traditionnelles scènes de célébration et de retrouvailles, les dernières minutes se focalisent sur l'enterrement déchirant des six disparus (avec les familles des victimes derrière le casting) et ceux qu'ils laissent. Une conclusion bouleversante pour ce film qui se saborde lui-même, mais impose malgré tout le respect. Au moins pour ses prouesses techniques et son histoire peut-être trop belle pour être vraie, mais quand même terriblement cruelle.

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Anderton
Anderton
il y a 2 années

Découvert au cinéma en pleine période estivale 2000, parmi des films saluant, plus ou moins bien, différentes formes d’héroïsme :
Plutôt bien : Gladiator, The Patriot, X-men
Plutôt moyen : MI2, The Skulls, Pitch Black, Mission to Mars
Plutôt mauvais : 60 secondes chrono, Lake Placid
En plein tempête m’avait marqué car j’étais persuadé que certains marins allaient s’en sortir, notamment le personnage de Mark Wahlberg… Parfait long métrage sur une poignée d’individus qui n’ont jamais lâchés pour survivre dans leur quotidien de pêcheurs et d’hommes, ou face à une catastrophe naturelle telle cette tempête.
Assurément, mon film préféré de l’été 2000.

Vomito
Vomito
il y a 2 années

Super film, à voir sur grand écran (large?)

Morcar
Morcar
il y a 4 années

Excellent film, que j’avais beaucoup aimé au cinéma et que j’ai acheté en DVD depuis.

Numberz
Numberz
il y a 4 années

Ahhh merci.

Tres très beau film. Je suis extrêmement fan. C’est bien foutu (la scène de l’espace puis la plongée dans la tête, c’est beau). La cohésion des acteurs est magnifique, la musique est belle. La mélancolie formidable. Et ces scènes puissantes bon sang. La scène du requin brrrr. Puis le chavirage final…

Vi au ciné à l’époque, quelle claque.

Un de mes films coups de cœur.

MacReady
MacReady
il y a 4 années

@M.X.

Et je pense que tu n’as pas compris le sens de ma réponse.
Je doute fortement que ce commentaire « trop un film d’homme » parle du fond, du traitement héroïque. Ma réponse était adressée à ces mots (et je ne parlais pas de film de super-héros, ni de la précision sur le sens de héroïque, mais bien de film « d’homme » dans le sens où ça transparaissait)

Mx
Mx
il y a 4 années

Ha oui John Hawkes, qui pour moi, sera l’éternel tenancier du tripot de l’ouverture d’une nuit en enfer, HAHA!!

Pseudo1
Pseudo1
il y a 4 années

@M.X.
Tu as oublié John Hawkes dans le casting (oui, je pinaille pour l’oubli, mais j’adore cet acteur qui, derrière son côté « gueule » qui le condamne à beaucoup de seconds rôles, est constamment touchant dans ses interprétations).
Pour ceux qui veulent le découvrir, il est notamment dans Deadwood et les films The Sessions et Winter’s Bone (entre beaucoup d’autres, mais ce sont parmi ses rôles les plus majeurs)

Mx
Mx
il y a 4 années

Macready, tu n’as pas compris, le film ne traite pas de « héros », il traite d’hommes ordinaires, confrontés à une situation extraordinaire, ce qui en fait des héros, rien à voir avec des supermans et consorts.

Des films comme en pleine tempête, the grey ou autre, quoi qu’on en dise, ne sont pas légions.

MacReady
MacReady
il y a 4 années

« Pas possible de refaire ça, trop un film d’homme »
C’était la tranche de rire du jour.
Suffit de regarder le cinéma hollywoodien pour voir que les hommes, les films portés par des héros, et ces codes, vont très, très bien. Qu’on aime ou pas, c’est pas en voie de disparition, rires.

Mx
Mx
il y a 4 années

C’est pas forcément juste, dans le même ton, il y a eu le magnifique territoire des loups, (the grey) en 2012, faut trouver les bons auteurs, rien de plus ,rien de moins.