Films

La Nuit des morts-vivants : retour sur le fabuleux remake oublié du classique de Romero

Par Simon Riaux
2 septembre 2020
MAJ : 21 mai 2024

Tout le monde ne connaît pas le rejeton indigne de La Nuit des morts-vivants, oublié d’une grande partie du public, imaginé par George A. Romero lui-même.

La Nuit des morts-vivants : photo

La Nuit des morts-vivants est un chef-d'oeuvre immortel. Mais tout le monde ne connaît pas son rejeton indigne, totalement oublié d'une grande partie du public, imaginé par George A. Romero lui-même... Retour sur un classique aux oubliettes.

La création du maître Romero a été, non seulement, à l'origine d'une saga riche en pépites de chair qu'il narra jusqu'à la fin de sa carrière, mais elle a inspiré des centaines d'artistes après lui qui auront exploité le filon découvert par l'artiste, ou tenté de le travailler, pour le métamorphoser. Difficile aujourd'hui de croire que les succès du cinéma de zombie et d'infectés, la célébrité des Walking Dead, voire de Resident Evil, sont issus de la créativité d'un seul homme.

Et il est peut-être encore plus difficile de croire que sa carrière dissimule une grande réussite oubliée, un film de zomblard horrible et brillant, é tragiquement inaperçu. C'est pourtant le cas, et il s'intitule (aussi) La Nuit des morts-vivants.

 

photoEn voiture tout le monde !

 

EFFACER L’HISTORIQUE 

George A. Romero a révolutionné le cinéma fantastique américain, et c’est peu de le dire. En 1968, La Nuit des morts-vivants, en un seul film fauché, invente toute une mythologie, déjà parfaitement cristallisée dans cet opus inaugural, qui va instantanément séduire le public et intégrer les névroses de l’Occident de la fin du XXe siècle. Phénomène commercial et artistique, son film fait le tour du monde, ionne, choque. Mais pour l’intéressé, c’est une autre histoire. 

Officiant dans le film institutionnel et désireux de longue date de er au long-métrage de fiction, tout en demeurant dans sa région de Pittsburg, le réalisateur et ceux qui l’accompagnent dans la production du futur classique sont encore des quasi-amateurs en matière de production de fiction. Et pour preuve, la joyeuse troupe se trompe au moment d’enregistrer La Nuit des morts-vivants, sécurisant ainsi ses droits et les revenus qu’il est amené à engendrer. 

 

photo, Patricia Tallman, Tony ToddDeux alliés de fortune

 

Une bourde monumentale qui aura pour effet de faire tomber instantanément le métrage acclamé dans le domaine public, attirant une nuée de parasites qui vont, des décennies avant le piratage industriel permis par la démocratisation d’Internet, reproduire les bobines et l’exploiter jusqu’à plus soif. Le public est désireux de le voir et le revoir, en salles, dans les drive-in. Les copies incomplètes, mutilées ou censurées se multiplient également poussant les spectateurs à voir et revisionner le film pour en découvrir tous les arcanes. 

Ce qui devrait être un carton massif se transforme alors en traumatisme pour Romero, dans l’incapacité de toucher le moindre centime sur une œuvre qu’il a réalisée, mais dont il n’a pas les droits. Alors que sa carrière, bien malgré lui, le consacre comme le patriarche des zombies et du cinéma d’horreur social (il tentera maintes fois de s’extraire des carcans du genre, pour y être toujours ramené par le box-office ou la frilosité des studios), l’idée de trouver un moyen pour toucher un peu du pactole de La Nuit des Morts-Vivants fait son bonhomme de chemin. Une seule option s’offre à lui : le remake. 

 

photoUne ouverture repensée, plus agressive et organique

 

IMMORTAN GEORGE 

Nous sommes alors en 1990 et fabriquer le remake d’un classique n’a rien du parcours de santé potentiellement très rémunérateur qu’en fera Hollywood quelque 20 ans plus tard. Le procédé est regardé par l’industrie avec un mépris affiché : une pure démarche commerciale, n’hésitant pas à s’assoir sur la réussite d’une œuvre précédente, tandis que la presse n’y accorde aucun intérêt et qu’un public volontiers protecteur montre les crocs dès qu’on touche à un récit qui lui est cher. 

Et malgré l’investissement de George A. Romero à la production, le remake de La nuit des morts-vivants qui arrive sur les écrans en 1990 e totalement inaperçu, à tel point que personne ne juge bon de le distribuer au cinéma en . L’ironie est totale, et il semble bien que jamais le cinéaste ne doive jouir du succès de cette première création. Et la situation a cela de tragique que la deuxième version de son chef-d’oeuvre est au moins aussi accomplie que l’originale. Voire un peu plus. 

Car si le concept génial du premier opus a immédiatement bouleversé son époque en renouvelant beaucoup de codes de l’horreur, il s’agit d’une production réalisée à l’économie, souvent avec des bouts de chandelles, et qui doit autant sa réussite à l’intelligence de ses auteurs, qu’une série de petits miracles qui lui confèrent une aura magnétique, mais aussi fragile. 

 

photoSoirée privée

 

Or, Romero sait à qui confier son remake pour transcender ce matériau de base, qu’il estime largement perfectible. En 1967, alors qu’il prépare les prises de vue de La nuit des morts-vivants, un jeune homme qui ambitionne de devenir maquilleur de cinéma bataille pour se faire une place au sein de son équipe. Le réalisateur accepte, mais l’aspirant technicien est appelé à servir sous les drapeaux, au Vietnam. Il s’appelle Tom Savini et la guerre va lui fournir le matériau brut qui sera sa source d’inspiration pour le reste de sa carrière. 

C’est après le conflit, à l’occasion du méconnu et génial Zombie, appelé à devenir son chef d’oeuvre, il confie à Savini le poste de responsable des effets spéciaux. La renommée de ce dernier explose et la collaboration avec le réalisateur, ainsi que leur complicité, grandit avec les années. 

Et quand vient l’heure de ressusciter La nuit des Morts-vivants, qui mieux que Savini pour donner vie à toute cette chair putride ? 

 

photo, Patricia TallmanUn accueil baveux

 

UN REMAKE EN ENFER 

Et s’il est invraisemblablement tombé dans l’oubli, le résultat est impressionnant, encore aujourd’hui. Tout d’abord et c’est une évidence, le métrage bénéficie d’une direction artistique parfaitement maîtrisée. Savini fait bénéficier le projet de sa formidable expérience, tandis que sa position de réalisateur l’autorise à combiner idéalement mise en scène et utilisation de ses effets spéciaux. Pour autant, l’artiste ne verse jamais dans la surenchère, favorisant au contraire une retenue générale qui rend chacune des saillies de violence particulièrement marquante. 

Maîtrisant chaque aspect du film, l’ancien maquilleur ne se contente pas d’emballer une copie propre de bon élève appliqué. Il confère à son remake une personnalité distincte de son modèle, notamment via une photographie automnale, où derrière la mélancolie de teintes vertes et bleu profondes se dessinent progressivement des nuances de jaune qui tirent l’ensemble de l’image vers une certaine idée du pourrissement. Allié à un travail subtil de la pellicule, le résultat, qui n’est pas sans évoquer Simetierre, est d’une grande beauté plastique, et magnifie aussi bien les carnations que les prothèses de latex. 

 

photoLes enfants sont merveilleux

 

La nuit des Morts-vivants sait aussi travailler et renouveler ses personnages. Feignant de reprendre les archétypes de 1968, Savini les repense et rejoue leurs interactions, avec une agressivité et un sens de la psychologie redoublé. Mieux, il joue désormais avec beaucoup plus d’inventivité et d’humanité les relations entre ses deux protagonistes. Interprétés par Candyman, impossible d’oublier avec quelles finesse et intensité Tallman prête ses traits à Barbara. 

Loin de la victime hurlante de l’œuvre originale, elle donne vie à un personnage féminin extrêmement fort, nuancé, dont on devine les nombreuses failles sans que le récit n’ait jamais besoin de les expliciter. Et comment ne pas regretter l’insuccès de ce remake en découvrant les ultimes séquences du métrage, qui annonce, avec vingt bonnes années d’avance, toute la misanthropie de The Walking Dead, ses hordes de survivants désocialisés et barbares, en une poignée de plans quasi-muets ? 

La Nuit des morts-vivants n’est pas seulement un excellent remake oublié, un joyau pourrissant abonné par les cinéphiles, c’est tout simplement un petit classique ignoré, qui ne demande qu’à mordre à belles dents dans la mémoire des spectateurs. 

 

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Arnal
Arnal
il y a 4 années

+ avec alshamanaac : oublié de qui ???
Pas connu des djeuns, ok, mais les vieux sachent ^^

Gabba_the_Nutt
Gabba_the_Nutt
il y a 4 années

Je peux me tromper mais il me semble que Romero et son équipe soient plus de Pittsburgh que de Portland.

Murata
Murata
il y a 4 années

Gros + 1 pour l’héroïne. Magnifique évolution du personnage, à mon avis plus marquante que des Carol ou Michonne après 10 saisons de TWD.

Bubble Ghost
Bubble Ghost
il y a 4 années

Oh l’autre, hein… Non mais j’hallucine grave, quoi… Comment ils nous fait er pour des dinosaures en voie d’extinction, alors qu’il a surement pratiquement le même age que nous… C’est pas sympa, j’ai juste la quarantaine, moi… J’irais me plaindre à Christophe Lemaire… Bouh… Vraiment, quel tact, Simon. J’ai l’impression d’être le dernier Dodo encore vivant, juste avant qu’il ne e à la broche, emballé dans une feuille de bananier avec du curry. Il ne me reste qu’à trouver une bonne maison de retraite estampillé Starfix, câblé avec Filmo TV et Shadows sur une belle télé trinitron 56 cm à coin carré, et équipé d’un magnétoscope PAL SECAM VHS à quatre têtes vidéos, histoire de me laisser mourir tranquillement de vieillesse et de nostalgie, en me reant tous mes enregistrements de la cinq de Berlusconi avec Sangria et Les accords Du Diable… Non mais ça va, quoi, je sais quand je suis de trop, hein… Je me retire donc comme un prince… Des ténèbres, bien sur ^^

Simon Riaux
Simon Riaux
il y a 4 années

Les amis, que les amateurs du genre, que les fans d’horreur se souviennent du film et l’apprécient, c’est indiscutable (et encore ça touche essentiellement la génération qui a connu les vidéoclubs). Mais pour le coup, ça désigne une communauté… très réduite.

On parle d’un film qui n’est même pas é par les salles et n’a pas constitué un réussite en termes de ventes vidéo. Un film qui a marqué ceux qui l’ont vu, mais dont on peut difficilement affirmer qu’ils sont nombreux, ou que sa mémoire est fréquemment brandie.

Bubble Ghost
Bubble Ghost
il y a 4 années

@alshamanaac, je suis tout à fait d’accord avec toi. D’abord, Tom Savini n’est pas n’importe qui, et dans le film, ça se voit au premier coup d’œil. Je ne risque pas d’oublier ce film, tellement que je l’ai adoré, lui, son héroïne Rousse super badass en avance sur son temps, et ses savoureux maquillages de folie comme on en fait plus depuis longtemps… Ou presque… Puisque le célèbre apprentie de Savini a reprit le flambeau « historique » du zombard façon Romero, pour l’inénarrable production AMC( Parait il qui si on dit 3 fois le nom de la série devant un miroir, Scott Gimple apparait pour te pourrir le reste de ta vie, en reduisant ton budget de production, et en te refilant un espèce de daltonisme qui te fait voir en marron délavé et gris suicide. ça fait froid dans le dos, nan ? ^^ )de sinistre mémoire… Ensuite, effectivement, dans mon coin vidéo club du magasin de vente et réparation d’appareil électro-ménager, meuble et batterie de cuisine( la profonde des années 80, toute une époque obscure et disparu ), on ne trouvait pas l’original de Romero de 68. Seulement Zombie, Day Of The Dead et la géniale version de Tom Savini de La Nuit Des Morts Vivants.

alshamanaac
alshamanaac
il y a 4 années

Je ne veux pas dire de bêtise… n’ayant pas à l’accès à l’article complet. Mais je n’irais pas jusqu’à dire que la version de Tom Savini avec Tony Todd soit un remake oublié ?… J’ai l’impression d’avoir plus vu ce remake que l’original de Romero à l’époque.