Highlander - Le retour est elle aussi sous-estimée à sa manière. Illustration parfaite de ce que peuvent produire l’appât du gain, l’incompétence, Hollywood et la cocaïne, elle demeure, presque 30 ans après sa sortie, un des plus cosmiques nanars qui soit.
Difficile de résumer cette étrange histoire. Tout simplement dira-t-on que le film e de l'aventure flirtant avec la fantasy pour basculer dans la pure SF, que les immortels et leurs duels immémoriaux sont quasiment effacés, qu'on y protège la Terre du trou dans la couche d'ozone (le gaz, pas le groupe de musique) avec un super bouclier laser, que Christophe Lambert y joue un vieux scientifique (si si), que Michael Ironside y est beaucoup trop heureux d'y jouer les méchants aux motivations obscures et qu'on n'a pas dû sucer que des glaçons pendant sa fabrication.
"Dis Sean tu me racontes le tournage de Zardoz ?"
UN PTIT COUP VITE FAIT
À plusieurs égards, Highlander 2 témoigne du changement radical dans le fonctionnement d’Hollywood. L’industrialisation des univers étendus, suites, reboots et préquels nous le ferait presque oublier, mais des décennies durant, les suites de film à succès étaient très mal vues, au sein des studios, de la presse, mais également du public. Considérées comme des extensions mercantiles, et des tentatives d’exploiter un filon jusqu’à l’os, elles étaient souvent fabriquées à moindre coût, anticipant un public moins nombreux et intéressé que lors du succès initial.
Le terme “franchise” n’appartenait pas alors au vocabulaire du cinéma et quasiment aucun projet n’était conçu pour engendrer une continuation. Le long-métrage unique était l’unité de mesure du 7e Art. Highlander en est un bon exemple, le récit, tous ses enjeux et conflits s’y trouvent bouclés. MacLeod y tue son ultime rival, et peut enfin en finir avec sa malédiction, redevant un simple mortel. Sauf qu’après une sortie salle décevante, Highlander a connu un succès massif en vidéo et tout le monde croit flairer la bonne affaire en lançant un projet de suite, au budget supérieur à celui de son aîné.
"Comment ça la maquilleuse est dépressive ?"
Signe de l'apocalypse qui se dessine déjà, il est choisi de baptiser ce beau bébé "The Quickening" dans la langue de Shakespeare. Un titre qui évoque plus une partie de jambes en l'air dans les toilettes d'une piscine municipale pendant une épidémie de gastro qu'un éternel combat pour l'unicité du genre humain, mais après tout, pourquoi pas ?
Le réalisateur Christophe Lambert. Ce dernier déteste franchement le scénario, mais son contrat ne lui laisse guère le choix. Il est contraint de revenir faire des sashimis de chevelus. Alors au fait de sa gloire, l’impayable Cricri exige et obtient le retour de Sean Connery, devenu son ami, dont le personnage est mort dans le premier film, et que sa suite n’envisageait pas de ressusciter. Mais, que pèse le bon sens face à l’amitié et aux billets verts ? La présence de l’interprète de James Bond a tout d’un atout commercial, justifiant un salaire de 3 millions de dollars pour quelques jours de tournage.
"C'est ça le Quickening, Sean ?"
On tenait déjà là les ingrédients d’une jolie catastrophe, mais l’opportunisme qui préside au projet va carrément le précipiter en enfer. Les producteurs cherchent à dépenser le moins possible, et en ce regard, l’Argentine semble une destination idéale pour effectuer le tournage. Idéale, à condition d'être aussi doué en mathématiques qu'un lamantin farci de piments tièdes, ce qui est justement le cas du producteur William N. Panzer (ça ne s'invente pas). Au beau milieu d'une crise de surinflation, le pays fait face à une volatilité de ses taux et de ses prix qui rendent les matériaux rares, les produits transformés encore plus, et leurs tarifs toujours susceptibles de crever les plafonds. C'est exactement ce qui va se er. Et humainement, rien ne va.
L’équipe britannique se prend régulièrement la tête avec son équivalente Argentine, la Guerre des Malouines étant un sujet aussi frais que douloureux. Côté technique, c’est la panade, le développement prend du retard, on manque de matériel, et on perd énormément de temps. En quelques semaines, le déement se chiffre en millions de dollars, les producteurs cherchent à jeter l’éponge et c’est leur assurance qui prend le contrôle du projet... et le précipiter dans le n’importe quoi le plus total.
Quand OSS117 rencontre Chewbacca
MYTHO-LOGIQUE
Il est rare qu’une assurance reprenne en main un tournage, et quand ses agents le font, ce n’est évidemment pas pour l’amour de l’art, mais dans l’idée de sauvegarder économiquement un projet, ou de limiter la casse. Dans le cas présent, une énergie d’environ 10 millions de dollars, soit près de la moitié du budget d’origine. À partir de là, Highlander 2, qui est très loin d’être terminé, est en partie réécrit, de manière à écourter son tournage, limiter les dépenses et assurer une sortie la plus rapide possible.
Des scènes d’action ambitieuse sont évacuées, des décors inachevés, et surtout, une toute nouvelle intrigue greffée pour permettre d’articuler ce gigantesque foutoir : il est décidé de faire des Immortels des extra-terrestres, bannis de leur étoile natale après une rébellion politique et condamnés à l’immortalité (il est bien connu qu’empêcher ses ennemis mortels de mourir est un châtiment impitoyable).
Cohérence avec la mythologie déjà établie ? Peau de zob. Rapport avec l’univers que nous connaissons ? Nada. Viabilité graphique de ces scènes filmées dans la précipitation ? Que dalle. Et voici donc que naît la planète Zeist, ses décors en matte paintings affreux, ses télépathes neurasthéniques, son insurrection de pacotille, et donc un scénario qui attrape Highlander premier du nom par les hanches, avant de lui tasser la colonne sans autre forme de procès.
"Te plains pas gamin, j'ai fait la même avec juste un cartouchière et un slip de peau"
Russell Mulcahy est conscient de la catastrophe qui s’anime sous ses yeux, et va tenter de faire retirer son nom du film. Depuis les années 50, la guilde des réalisateurs peut autoriser, dans des cas exceptionnels un cinéaste à se faire renommer “Alan Smithee”, pour signifier son profond désaccord avec la direction prise par la production. Malheureusement, cette dernière considère cette option comme un désaveu public et le contrat du cinéaste l’interdit de critiquer publiquement le métrage sur lequel il travaille.
Mulcahy se rend donc en salle de montage comme la vache au taureau, et tente de donner vie à un des plus hilarants monstres de Frankenstein que nous a offert le cinéma. Devenu simple exécutant puis rapidement évacué de la post-production, il ignore jusqu’à la première du film ce que l’assureur aura fait de son travail. Quand il découvre le résultat, il ne e pas plus d’un quart d’heure de visionnage avant de quitter la salle.
De l'art de faire des étincelles
DEUX SALES, DEUX AMBIANCES
Et stricto sensu, il n’y a pas que sa diégèse qu’Highlander 2 traite avec la bienséance d’une hyène envers une vieille charogne renardant au soleil. Redoublages intempestifs, voix off stupides, changements de colorimétrie (coucou le ciel de Justice League), fin tronquée... Absolument rien ne va, et personne ne va s’y tromper, tant le résultat est perçu comme un ratage aux proportions bibliques.
Se sentant dépossédé de ce qui aurait pu ou dû être son couronnement Hollwyoodien, Russell Mulcahy garde l’épisode en travers de la gorge, tant et si bien qu’il va œuvrer pour pouvoir proposer un jour sa propre version du film, qu’il intitulera Renegade. L’artiste va enregistrer ses acteurs afin de pouvoir se débarrasser de certains dialogues, son but étant logiquement d’extraire les extra-terrestres du récit et de permettre au film de se concentrer sur Terre. De nobles intentions, qui ont peut-être inspiré un certain Zack Snyder, mais qui seront vouées à l’échec.
L'immortalité c'est plus ce que c'était
En effet, beaucoup des grandes idées du projet n’ont jamais été tournées, la saga a perdu beaucoup de valeur et ses fans sont de moins en moins nombreux, sans compter qu’en 1991, il n’existe aucun réseau social pour que les plus ionnés expriment leur ferveur. Le réalisateur Australien ne sera donc jamais en mesure de filmer ces pans perdus de son scénario. Malgré tout, la légendaire “Renegade Version” atterrit dans les bacs au moins de juillet 2015, permettant aux épéistes hardcore de découvrir ce que vaut le film avec des effets spéciaux légèrement retravaillés, ses couleurs initiales et une intrigue dégraissée, dont les martiens foireux de la planète machin sont absents.
"Tu vois, on peut être scénariste ET alcoolique."
Et dieu merci, si l’ensemble se tient un tout petit mieux, Highlander 2 n’est pas dénaturé, et demeure un glorieux nanar, dans lequel Christophe Lambert rit comme un gnou shooté au P, transforme le personnage de Sean Connery, manifestement hilare, et dont le sourire goguenard durant son ultime scène laisse peu de doute quant à ce qu’il pense du film.
Pour un peu, en lui soustrayant un peu de ses images les plus ouvertement ridicules, la Renegade Version prendrait le risque de perdre en sympathie ce qu’elle gagne en rigueur. Au final, cette deuxième version ne peut à elle seule entamer les ondes de ridicule spatial qui transpirent de l’entreprise, et le spectateur déviant gagne ainsi deux nanars pour le prix d’un.
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@kyle
Avec plaisir.
(j’ai un énorme faible sur celle de Piège à Hong Kong)
@JR
Merci de m’avoir fait découvrir les vidéos de Karim Debbache, c’est vrai tout fou et très bon.
@JR
Merci à vous !
(Et oui, son épisode sur Highlander 2 est clairement un de ses plus aboutis)
Le Chroma de Karim Debbache sur ce film m’a profondément réconcilié avec ce turbo nanard
(et d’ailleurs l’ensemble de ses vidéos sont un cris profond d’amour pour le septième art, visibles sur daily motion)
Excellent article.
La version longue est bien meilleure !
J’ai pas mal envie d’avoir mon étoile a moi aussi devant mon pseudo, c’est tentant…
Bande de diablos
Ah quel souvenir! À ce point mauvais que ça en devient presque génial …. des années plus tard(!)… tellement c’est barré! Mais c’est vrai que sur le coup, à l’époque grand fan du 1er, en sortant de la salle, c’était le choc, l’incompréhension totale!
Je ne crois pas avoir vu le 3ème d’ailleurs… ça exciterait presque ma curiosité!!! Une sorte d’autopsie longtemps après :)))!!!!
Ben moi j’ai envie de défendre ce film, du moins dans sa version Renegade!
Le scénario reste certes un peu léger mais Zeist et la fin complètement kitch sont dégagées.
Le thème du quickening parcourt tout le film tout en gardant une part de mystère. Il rend du coup moins saugrenue la présence de Ramirez dans le scénar ainsi que la dimension parallèle, anciennement Zeist dont sont issus les immortels. Restent la direction artistique, dans un style bien Metal Hurlant, et la réal virtuose de Mulcahy.
Le long making of de ce director’s cut montre à quel point il est différent du film d’origine.
Vu étant adolescent, j’ai une tendresse pour la saga Highlander et ce film n°2 dont j’ai de bons souvenirs. Mais si je le revoyais maintenant, je serai sans doute déçu
@Cklda
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