Si certains ont découvert Peter Jackson avec sa trilogie du mauvais goût, sorte de nirvana pour amateur de cinéma crado, et que d'autres l'ont vraiment suivi après Le Seigneur des Anneaux, beaucoup de cinéphiles se sont initiés à son style avec les films qui l'ont vraiment fait percer.
Parmi eux, Fantômes contre fantômes en 1996, son premier fait d'armes hollywoodien, et une bonne démonstration de savoir-faire qui convient à toute la famille.
Aujourd'hui, son travail sur l'univers de Tolkien et le nouveau Tintin (on y croit) a tendance à faire un peu oublier cette dernière production, pourtant l'une des comédies fantastiques les plus honnêtes et appréciées des années 1990, grâce à une équipe créative de rêve, une facture technique à toute épreuve ainsi qu'un air de S.O.S. Fantômes rafraichissant. Rien que pour le plaisir, on s'y replonge volontiers.
Pluie de références horrifiques incoming
HIT THE ROAD, JACKSON
C’est l’itinéraire cinéphile par excellence : ionné par les effets spéciaux et plus particulièrement par le Braindead qui le béatifie dans la cathédrale de la série B sanglante. Les fans de splatter et de générosité comique l’adoubent, alors que ses projets prennent une tout autre direction.
Le cinéaste n’est pas tout de suite appelé par les sirènes hollywoodiennes, et ça se comprend. Aux yeux de l’industrie mainstream, il est un jeune punk (son caméo dans Fantômes contre fantômes n’est pas anodin) au mieux insignifiant, au pire inconnu. On est loin de la consécration à la tête de la saga de fantasy la plus appréciée du millénaire. Pas arriviste pour un sou, il va cependant y accéder par la force des choses.
Pour ce faire, il commence par sortir de sa zone de confort tapissée d’hémoglobine afin de se consacrer à un drame intitulé Créatures Célestes, un véritable appât à prix, parfait pour se faire remarquer. C’est lors de sa production que lui et sa collaboratrice et compagne Fran Walsh écrivent un traitement de quelques pages.
Créatures Célestes : on est loin de Braindead
Et alors que Jackson s’attèle à la conception du faux documentaire Contes de la crypte, qui cartonnait à cet instant, et qui cherchait à déer le petit écran. Mais selon le réalisateur devenu tout puissant après le succès des Retour vers le Futur, l’idée convient mieux à un film indépendant de toute franchise. Le duo de scénaristes se met alors à développer cette histoire. Certains disent que Zemeckis comptait réaliser le film lui-même, mais l’auteur de ces lignes n’a trouvé nulle trace de telles ambitions.
Avec l’auteur de Forrest Gump à la production, tout prend de l’ampleur, et The Frighteners se transforme très vite en Hollywood express pour Jackson, d’autant plus qu’un tel nom au générique lui garantit une liberté impressionnante pour un budget estimé à 26 millions de dollars. C’est tout ce dont il rêve, puisqu’il avait déjà refusé des propositions de gros studios comme Freddy and Jason, propositions ne lui laissant aucun contrôle sur le produit fini. Concrètement, cela lui permet à lui et son producteur d’avoir le fameux final cut et de pouvoir tourner en Nouvelle-Zélande, où il peut travailler avec son équipe.
DREAM TEAM
Ça part donc très bien, surtout qu’Universal lui accorde un budget confortable et un temps de tournage atteignant les 130 jours selon des articles de l’époque, c’est-à-dire presque un record pour la firme. Intriguant pour les fans de fantastique, le projet devient carrément ionnant lorsque l’équipe créative complète se dévoile.
La production de Fantômes contre fantômes est infestée de talents, de l’équipe de Peter Jackson, ayant déjà accompli des merveilles par le é, à Jeepers Creepers ou encore les Pirates des Caraïbes).
Niveau casting, Peter Jackson, Victoria Burrows, Vivienne kaplan et Liz Mullane optent pour du 18 étoiles, brossant dans le sens du poil les majors, le grand public et les fans d’horreur. Full Metal Jacket.
Quant à Starship Troopers, dont le sourire dément est magnifiquement exploité par le réalisateur.
LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : LES ORIGINES
Niveau effets spéciaux, c’est aussi du grand luxe. Créée pour Bad Taste, la société Weta avait déjà touché au digital avec Créatures Célestes. Néanmoins, c’est bien The Frighteners qui va la propulser. En effet, à peine deux ans après Jurassic Park (doté de presque le double de budget), elle doit produire une quantité prodigieuse de plans truqués et d’effets en tous genres, dont la diversité est assurée par la frénésie créative de Jackson.
Lorsque Zemeckis débarque sur le plateau à la fin du tournage, il embarque 20 minutes de rushs qu’il montre aux exécutifs d’Universal. Ceux-ci se gaussent salement et prennent la décision d’avancer la date de sortie pour un créneau estival, remplaçant au age le Stallone, en retard. Pour rentrer dans les délais, ils mettent sur la table six millions de dollars.
Wes Takahashi, employé d’ILM ayant travaillé de près ou de loin sur à peu près toutes les productions ayant repoussé les limites des effets spéciaux numériques frappe à toutes les portes et sort les gros biffetons pour recruter des artistes américains, ce qui ne manque pas de ca quelques tensions dans les équipes néo-zélandaises. Ces dernières ne chôment pas non plus, et le résultat reste convaincant encore aujourd’hui, surtout quand il est question de la forme tueuse qui sévit tout au long du film, une démonstration de savoir-faire qui ne tombe dans l’oreille d’aucun sourd à Los Angeles.
Au-delà des effets spéciaux et de leur maitrise, le futur metteur en scène de King Kong se lance dans une nouvelle démonstration de la puissance de son style résolument baroque, à l’instar d’un premier plan signature assumant sans chichi son artificialité. Dans le livre From prince of splatter to Lord of the rings de Ian Pryor (très utile dans l’écriture de cet article), J. Fox confie : « On avait l’impression que c’était un enfant qui attendait les bons jouets pour s’am, et je voulais être là quand il les aurait. »
D’un autre côté, Jackson évite également de tomber dans ses frasques les plus délirantes, ne poussant jamais les potards trop loin, comme il fera avec certaines séquences du Seigneur des Anneaux ou le dernier acte de La bataille des cinq armées (en version longue de préférence). Certes, le sujet ne s’y prête pas toujours, mais on sent une certaine sérénité qui tranche un peu avec la folie de ses débuts.
D’un point de vue parfaitement graphique, il doit d’ailleurs se réfréner afin d’éviter un classement R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés d'un adulte aux US), en coupant une grosse partie des fluides et autres références au cinéma d’épouvante. Mais en dépit de ses efforts, il se mange quand même la classification tant redoutée, juste à cause de la partie dans l’hôpital désaffecté à l’ambiance jugée trop glauque.
Sur la construction narrative, par contre, il se fait vraiment plaisir, empruntant presque à Roland Emmerich. Faute de gros gorille, Jackson se rabat sur une adaptation du Seigneur des Anneaux, qui pourrait plaire, qui sait ?
Jurassic Par... euh... Godzilla
WHO YOU GONNA CALL ?
Sorti quelques années avant l’écrasante trilogie épique qui consacrera définitivement son auteur, The Frighteners a tendance à se faire un peu occulter dans cette filmographie, la faute à des résultats économiques désastreux, conséquence régulière de la production de films osant mélanger un peu les genres. En tout, il récolte moins de 30 millions de dollars dans le monde.
Pourtant, et alors que « l’esprit Ghostbusters » est désormais convoqué à droite à gauche pour appâter le chaland en mal de nostalgie, il est très agréable de se replonger dans cet univers délicieux, dynamique et attachant. Comme dans la comédie d'Ivan Reitman, il s’agit de se moquer en permanence et sans pression aucune de la mort et du traitement des phénomènes paranormaux en désacralisant complètement la figure du fantôme.
Dans Fantômes contre fantômes, les ectoplasmes sont partout, surtout dans la version longue, qui rajoute presque 10 minutes de gags visuels allant en ce sens. Cette version va tellement loin dans l’exploitation des corps fantomatiques qu’elle en devient presque lourdingue, écueil auquel avait échappé les comédies précédentes du cinéaste.
Reste un humour noir parfaitement dosé, certes apparemment auto-censuré par peur de la MPAA (le comité de classification américain donc), mais néanmoins régulièrement perceptible. Le montage étendu montre d’ailleurs une croix gammée tatouée sur la main de Milton, un débordement référencé (la ion des nazis pour l’occulte est désormais de l’ordre de la légende urbaine) et difficilement acceptable dans une œuvre à destination des familles américaines.
Fran Walsh et son compagnon n’hésitent pas à assaisonner de dérision chaque situation, de l’enterrement au massacre de masse, sujet délicat aux États-Unis. Tout est désamorcé avec un sens de la mise en scène qui se joue des clichés et d’un Michael J. Fox hébété, pour quelques gags irrésistibles. Aucun blasphème n’est trop sensible pour le scénario, qui se risque même à la fin à une petite saillie horrifique pour différencier le paradis de l’enfer.
Jamais cynique, l’écriture laisse également transparaitre un respect et un véritable amour pour le surnaturel incarnés par les acolytes décédés de Frank, et combattus par le personnage joué par Jeffrey Combs, représentant la pire façon dont on peut s’intéresser aux forces fantastiques. Fanatique, sceptique et égoïste (le surnaturel doit forcément venir de lui), il incarne un antagoniste pour les amateurs de cinéma fantastique, une sorte d’anti-Peter Jackson.
Plus globalement, le récit met en avant un acte de partage via le surnaturel, puisqu’on suit un arnaqueur vraisemblablement très égocentrique dans le é (les flashbacks ne mentent pas) se servant de ses pouvoirs de médiums à des fins économiques, qui apprend à aider son village grâce à ses amis fantomatiques. Très hollywoodienne, cette histoire de rédemption ne parasite cependant jamais le récit, et ne nous encombre pas non plus d’une amourette envahissante, malgré une séquence de diner aussi hilarante qu’évocatrice et un dernier plan fort classique. Les ingrédients parfaits pour un divertissement américain à la sauce-néo-zélandaise, un véritable feel-good movie.
Maniant l’action et la comédie d’une main de maître, Jackson emballe le tout avec modestie, se glissant de fait encore un peu plus dans l’héritage de Ivan Reitman. Un petit bain de fraicheur dans l’univers du paranormal, et un tremplin en acier trempé pour ses auteurs.
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Saleté de Parkinson sinon le film est très bien. Rien que l’idée de départ…
Le dernier grand rôle de Michael J Fox au cinéma… C’est fou…
Film très sympa…mais pas très maitrisé dans les règles de son univers, qui du coup laisse er beaucoup de deus ex machina bien arrangeants.
Ah au fait !
Pour les ionnés…
Y a le Dune de Jodorowsky en replay sur ARTE !
Je sais que certains d’entre vous cherchent à le voir ou revoir.
Je vais mettre ce post dans plusieurs articles de EL…
Je m’en excuse auprès de la redac’ mais c’est un « événement » je pense…
@+
Bref…
Oh, et j’allais oublier, pauvre de moi: Jeffrey Combs is GOD!
Certainement pas oublié de moi non plus, puisque The Frighteners est facile dans mes films préférés de Peter Jackson (avec Braindead et King Kong). Ce p’tit gars que j’ai vu arriver avec Bad Taste et que jamais à l’époque je n’aurais envisagé à la tête d’une trilogie blockbuster comme Lord of the Rings, comme quoi! 😛
Un énorme merci, Matthieu, pour cet excellent et exhaustif article, qui fait parfaitement ressortir tout ce que moi comme d’autres (à voir les coms précédents) adorons dans ce film. Et qui m’a donné furieusement envie de trouver et dévorer le livre de Ian Pryor que vous citez! 🙂
Super film, vu et revu des tas de fois, j’adore. A voir dans sa version longue.
Bonjour,
Elle est bonne celle-ci…
Je l’ai re-re-regardé hier soir…
WTF !??
Bref…
« Fantômes contre fantômes : la vraie pépite oubliée… » ???
Pas par moi, en tout cas ! 😉
Un pur régal de fantasticophile, ce film !