Malgré un coup de vieux, il façonne un univers toujours aussi attachant organisé autour de thèmes encore vivaces aujourd'hui : voici l'excellent Wayne's world !
Vos excellents présentateurs vous accueillent
PARTY TIME
L'histoire de John Belushi, ce second moment de grâce dans l'histoire de l'émission généra Wayne's world en 1992.
À ce moment-là, Mike Myers est un membre récurrent et apprécié du Saturday Night Live, mais il n'a encore aucun film à son actif et sa popularité est limitée aux spectateurs réguliers de l'émission. Mais cette popularité est suffisamment forte pour convaincre la Paramount de financer un film autour du personnage de Wayne Campbell, qu'il interprète régulièrement dans l'émission. Soit une sorte de gentil geek metalleux, fan de pop culture souvent un peu à côté de la plaque, mais toujours enthousiaste et qui tient une émission de télé en accès libre enregistrée dans le sous-sol de la maison de ses parents (chez qui il vit encore).
Ne sous-estimez pas ceux qui ont l'apparat de la lose
Le studio met un budget confortable de 20 millions de dollars (à l'époque) sur la table pour que le film se fasse, et la réalisatrice Dana Carvey, qui vit mal son rôle de sidekick alors que c'est un acteur bien plus expérimenté que Mike Myers (qui n'a alors même pas trente ans), et avec la réalisatrice en qui il ne fait pas confiance.
Mais Myers reporte en réalité sur elle son absence de confiance en lui et en son projet : il croit de moins en moins au potentiel comique de son film à mesure que le tournage avance, au point qu'il estime que personne ne rira face à la scène en voiture avec Bohemian Rhapsody, qu'il trouve nulle, alors même qu'elle deviendra essentielle au film. En interview dans les suppléments, Mike Myers se décrit même pétri d'anxiété et inconsolable lorsque le public s'assoit avant la première projection-test du film : "Je trouvais le film épouvantable". Bien heureusement, Mike Myers a faux sur toute la ligne.
EXCELLENT...
À sa sortie, Wayne's world est un succès instantané, démarrant immédiatement à la première place du box-office et enterrant les carrières de Sylvester Stallone. La critique est également très enthousiaste, et les journalistes faiseurs de roi de l'époque Roger Ebert et Gene Siskel adoubent également chaleureusement le film, ce dernier allant même jusqu'à lui donner une 8e place sur ses 10 films préférés de l'année. Le succès du film déborde et contamine même la chanson Bohemian Rhapsody, propulsée à la deuxième place du billboard, son plus haut niveau jamais enregistré aux États-Unis, dix-sept ans après sa sortie.
Fatalement, le box-office du film est un succès retentissant : avec un peu plus de 120 millions de dollars à domicile et un peu plus de 60 millions de dollars dans le reste du monde, Wayne's world rapporte 183 millions de dollars, soit neuf fois son budget de production. Il devient le huitième plus gros succès de l'année dans le monde, puis, années après années, un film adoré par toute une génération. Pourquoi ?
... C'EST D'ÊTRE FAN
Penelope Spheeris s'était déjà fait une spécialité de s'intéresser avec amour et tendresse aux marginaux dans ses films The Decline of Western Civilization et Suburbia, et son oeil précis de réalisatrice allié au talent comique de Mike Myers ont pour la première fois donné la place de héros à une espèce totalement nouvelle : le fan de sous-culture pop. Autrement dit : des geeks.
Le coeur du film est très simple, mais toujours terriblement efficace : deux ionnés se voient offrir l'opportunité de vivre de leur ion, mais au prix d'une certaine conformité corporate et marketing imposée par leur producteur incarné par Rob Lowe (et dont le statut de vampire non vieillissant est confirmé par le visionnage récent du film).
Alors que Wayne achète enfin la guitare de ses rêves, le dilemme classique ressurgit : il peut enfin accomplir son rêve, mais n'est-il pas en train de devenir un vendu ? C'est probablement dans ce conflit que s'est reconnu toute une partie du public américain au début des années 90, après dix ans de capitalisme reaganien forcé et de règne industriel sans partage sur le cinéma et la musique indés.
L'air du temps s'apprête à changer en 1992 (qui propulsera par exemple le grunge défroqué de Kurt Cobain au sommet du cool), et Wayne's world conteste très fortement la figure de la réussite de l'époque qu'incarne Benjamin Kane (Rob Lowe) en lui opposant, pas exactement deux losers magnifiques, mais deux véritables héros inconscients, aux intentions pures et aux valeurs nobles, ayant l'apparence de la lose.
Sérieusement, cet homme a trouvé la fontaine de Jouvence
Wayne et Garth n'ont peut-être pas d'emploi ou d'appartement luxueux, mais cela ne les atteint quasiment pas. Leur incroyable cote de sympathie vient de là, ils ne se posent même pas la question de la réussite individuelle : ils sont heureux parce qu'ils ont leur amitié, leurs ions, et surtout, leur envie de transmettre leur énergie et leur amour. Ils sont deux figures solaires qui inondent la pellicule d'une lumière enveloppante et enthousiaste. Elle agrège, en plus, toutes les personnalités qu'ils croisent tant ils transmettent d'émotions positives et font de leur existence une expérience partagée et partageable à l'infini.
Entre l'ami déclarant son amour platonique à ses proches à la moindre occasion et le co-producteur gris métamorphosé en énergumène bouillonnant, Wayne et Garth contaminent et transforment tous ceux qu'ils touchent en une nouvelle version d'eux-mêmes. Une meilleure version, parce que plus heureuse, et une version plus heureuse, parce que plus sincère et aimante. "Même Led Zep écrivait pas des chansons universelles, ils ont laissé ça aux Bee Gees" : deviens ce que tu es, tu seras aussi heureux qu'un Wayne écoutant Queen, et ceux qui t'aiment t'aimeront d'autant plus.
EXTREME CLOSE-UP
Pour autant, peut-on dire que Wayne's world n'a pas pris une ride ? Assurément pas, et si l'on se penche sur quelques détails, il est même assez évident que le film a "fait son temps". En premier lieu, parce que les personnages de Wayne et Garth n'ont plus la même position en 2020, et que la société porte un regard bien différent sur les gens comme eux. Un film comme Ready Player One par exemple confirme bien que, désormais, ceux qu'ils incarnent ne sont plus des marginaux, mais des héros traditionnels de blockbusters traditionnels.
En ce sens, Wayne et Garth incarnent des têtes qui appartiennent à un autre temps, et si l'on ajoute à cela la quantité astronomique de références (humoristiques la plupart du temps), parfois vieilles de 40 ans, on est obligé de faire un triste constat : la capacité d'adhésion de Wayne's world est probablement en train de s'éroder définitivement.
D'ailleurs, on ne se risquerait probablement pas à essayer de regarder le film avec quelqu'un né dans les années 2000, malgré toute la bienveillance et la joie communicative du film. Pas sûr que le fameux "No Stairway to Heaven" soit toujours aussi drôle à une époque qui adule aussi peu les guitares, ou que les cameos d'Alice Cooper et Meat Loaf soient aussi parlant qu'à l'époque.
D'autant que Wayne's world demande impérativement à son spectateur de se laisser transporter sans se poser trop de questions, sous peine de recevoir en pleine figure le défaut technique principal du film : son rythme. Non seulement il est relativement daté, mais en plus il pâtit très fortement des tâtonnements et des remises en question récurrentes de son scénariste, qui l'obligent à demander certaines tolérances au spectateur.
Certains personnages sont ainsi clairement rafistolés quand certains arcs narratifs sont carrément réduits à l'état de fantômes parasites. En témoigne ce gag complètement incompréhensible où Garth détruit une main mécanique à grands coups de marteaux, en réalité issue d'une autre scène abandonnée où Garth construit une machine pour tuer Benjamin. Pour certains, cela amplifie encore le charme indéniable du film, mais il faut reconnaître que la structure de Wayne's world est assez cabossée, ce qui l'oblige à emprunter d'étranges raccourcis pour ne pas s'embarrasser d'explications.
Plusieurs exemples peuvent là aussi en témoigner, comme la relation entre Garth et la serveuse du diner, mais le plus parlant est probablement la fin même du film. En effet, le long-métrage se termine en queue de poisson et fait très bâclé. L'avalanche de gags meta n'ama sans doute plus grand monde, et en frustrera sûrement beaucoup face au manque cruel d'ampleur du climax final.
Probablement le gag le plus drôle du film
Pour conclure, impossible de ne pas évoquer la version française du film, probablement celle avec laquelle la plupart d'entre nous ont découvert Wayne's world, et surtout impossible de ne pas chanter ses louanges. Le boulot de traduction est irable tant il conserve l'humour du film intact et surtout enchaîne trouvaille sur trouvaille pour transposer les expressions inventées par Wayne et Garth et les rendre hilarantes.
Enfin, les doubleurs Michel Didym nous régalent également avec leurs interprétations ahuries de Wayne et Garth, et leurs voix de rechange vont comme un gant aux visages de Mike Myers et Dana Carvey.
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Super film à l’époque. Dommage que M. Myers soit devenu inable par la suite…
Voituuure !!!
Engagement !
Le 2éme est largement meilleur je trouve .
Grosse mention ++ pour l’adaptation française.
Oh la la, mes années collèges, rien que la tête de Garth Alguar était à mourir de rire, pas revu depuis au moins 25 ans, faudra que je revois ça.