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De Dragon Ball à Wukong : la légende chinoise qui a bouleversé la pop culture

Par Léo Martin
31 août 2024

Au cœur du jeu Black Myth : Wukong, se trouve l’une des plus célèbres histoires du monde asiatique. Celle d’un singe aventureux dont le nom et la destinée traversent aujourd’hui certaines de nos œuvres les plus cultes.

Même si c’était prévisible, on n’avait pas vu venir un tel succès écrasant pour Black Myth : Wukong et ça force le respect. Avec 10 millions d’exemplaires vendus en seulement trois jours et des records explosés pour Steam depuis sa sortie, le jeu chinois marque l’histoire. C’est d’autant plus impressionnant que celui-ci est issu d’une toute nouvelle licence, qui explore un univers méconnu du public occidental : celui de la mythologie chinoise.

Grâce à la popularité de Wukong (qui n’a guère été gêné par les polémiques), le pays du yuan a même réussi à braquer l’attention du public international sur son folklore et sa culture. Plus précisément, c’est ici le légendaire roman de La Pérégrination vers l’Ouest auquel nous initie le jeu d’aventure et d’action. Un récit bouddhiste que beaucoup auront découvert pour la première fois en jouant à Wukong… sans soupçonner l’influence déjà colossale de celui-ci.

Wukong dans la brume

Wukong, toujours à l’ouest

Si vous avez joué ou même entendu parler de Black Myth : Wukong, vous savez très probablement qu’on y incarne un singe guerrier disposant de multiples pouvoirs magiques. Celui-ci n’est pas Sun Wukong (le personnage mythique qui donne son nom au jeu). Notre avatar simiesque n’est qu’un successeur anonyme qui retrace le voyage du vrai Wukong ; l’épopée sur laquelle se base tout le jeu.

C’est donc une sorte de suite et relecture moderne du roman La Pérégrination vers l’Ouest de Wu Cheng’en que nous donne ici à vivre le studio Game Science. Leur objectif secret est évidemment de rendre un vibrant hommage au joyau de la littérature de l’époque Ming. Hommage aussi bourrin que spectaculaire, qui est à la fois un coup de génie pour le soft power chinois (qui e à la vitesse supérieure en ce moment) et une chouette façon d’intéresser le monde occidental à d’autres cultures que la sienne.

Un jeu d’action assez classique mais dans un environnement dépaysant

La Pérégrination vers l’Ouest, donc, est une œuvre fantastique qui date du XVIème siècle, et qui s’inspire de l’expédition d’un moine bouddhiste du VIIème siècle. Bien que tiré d’un document historique, le roman se concentre davantage sur sa narration fabuleuse et sur les compagnons du voyageur. Celui-ci est entouré de plusieurs protecteurs divins envoyés par les cieux et dont le plus important est, évidemment, le fameux roi-singe Sun Wukong.

Disposant de bien utiles capacités magiques et d’un caractère aussi excentrique que volubile, le singe vole la vedette au moine pour devenir le protagoniste de cette pérégrination. Et aujourd’hui, c’est son nom qui est retenu du mythe ; celui du roi-singe aussi fort que désinvolte, d’un héros qui s’est souvent fait l’adversaire des dieux pour finalement obtenir une opportunité de devenir Bouddha au cours de son parcours spirituel.

Dommage que le héros de Black Myth soit tout l’inverse de Sun Wukong : taciturne et muet

De Wukong à Goku

Depuis le XVIe siècle, le roi-singe a fasciné de nombreux pays d’Orient. Le nom de Sun Wukong a ainsi été traduit dans diverses langues d’Asie pour devenir, par exemple, Son Ogong chez les Coréens, Tôn Ngộ Không chez les Vietnamiens et bien sûr… Son Gokū chez les Japonais. Car oui, c’est chose assez connue, mais l’un des mangas les plus influents du monde, Dragon Ball d’Akira Toriyama, est bien à la base une réadaptation nippone de La Pérégrination vers l’Ouest.

Ce n’est pas pour rien qu’au début de l’œuvre, le jeune Goku a une queue de singe, vole sur un nuage comme Wukong et se trouve entouré de divers personnages rappelant le roman de Wu Cheng’en. Bien entendu, le manga de Toriyama prendra vite une direction très différente du récit original. Mais ça n’empêchera pas Goku d’incarner une version moderne et ultrapopulaire de Sun Wukong à travers le monde. Par son influence sur le médium du manga, Dragon Ball installera ainsi Wukong comme un archétype matriciel du héros de shonen.

Goku sur le nuage magique de Sun Wukong

Inutile d’être vigilant pour réaliser à quel point Son Goku et tous ses fils spirituels sont aujourd’hui omniprésents dans notre environnement occidental. Luffy, l’un de ses plus fameux héritiers et protagoniste du colossal One Piece (manga le plus vendu du monde) est aussi très inspiré par Sun Wukong – le deuxième nom du pirate excentrique est Monkey et certains de ses pouvoirs évoquent directement ceux du roi-singe. Il incarne, une fois encore, un archétype de protagoniste qui va gagner beaucoup d’importance dans notre pop culture.

Mais quel archétype exactement ? Au-delà d’être un héros puissant, Sun Wukong et ses successeurs personnifient surtout une forme de défiance moqueuse envers l’autorité. D’abord représentés comme innocents, insouciants, ils aspirent aussi profondément à une pure liberté. Les capacités de Wukong (puis d’un Luffy, entre autres) permettent ainsi de déformer la réalité et de briser les règles de la physique et de la logique. On pourrait presque le comparer à un personnage de cartoon, en ce sens. Wukong, Luffy et d’autres sont les avatars d’un rire sain, héroïque, qui ridiculise un monde trop sérieux, souvent injuste et corrompu.

Le controversé Gear 5 de Luffy est la transformation qui le rapproche le plus du divin railleur Sun Wukong

Monkey business

L’ombre de Wukong sur le manga pourrait être étudiée longtemps tant elle est fascinante. Le sous-texte bouddhiste qui y transparaît (par exemple lorsque le protagoniste de shonen s’assagit à la fin de son périple avant d’atteindre une forme de sainteté, comme dans Naruto ou Saint Seiya) vaudrait aussi qu’on s’y attarde. Mais l’influence de Wukong ne s’arrête pas qu’au manga et à ses héros.

On l’a retrouvée aussi au cinéma. Par exemple, avec le film américano‑hongkongais de 2008 : Le Royaume interdit. Sun Wukong y était alors incarné par Jet Li. On pourrait également citer la trilogie du Roi singe de Soi Cheang (Limbo, City of Darkness), qui constitue une adaptation parmi d’autres.

Du côté du jeu vidéo, le roi-singe était déjà bien installé avant même que Black Myth ne le jette dans nos PS5. En tant que figure mythologique adorée dans divers pays d’Asie, celui-ci a vite été proposé comme personnage jouable sur plusieurs jeux compétitifs, tels que Unruly Heroes, Summoners War, Smite et forcément… League of Legends.

Sun Wukong dans le jeu mythologique Smite

Aujourd’hui plus que jamais, Sun Wukong et sa légende disposent d’une popularité dingue. Le nom et les récits du roi-singe semblent désormais ouvrir les portes d’un marché international de plus en plus réceptif et vaste.

Sun Wukong est instantanément devenu le champion d’une franchise potentiellement très prolifique (après sa version japonaise, Son Goku, égérie de la très lucrative licence Dragon Ball depuis 40 ans !). Reste à voir jusqu’où cette vieille légende chinoise peut encore étendre son influence. Car rien ne semble impossible pour le singe qui ne craint personne.

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Lazarettoo
Lazarettoo
Abonné
il y a 9 mois

Très bon article, le jeu le donne effectivement envie de m’intéresser à La Pérégrination vers l’Ouest

J’ai commencé le jeu aujourd’hui, et c’est une belle claque au niveau des animations, manette en main, les sensations en combat sont ahurissantes.